Les changements révoltants du crédit-temps: « Les parents vont craquer! »

by seayouson

L’annonce me choque et me désespère: le gouvernement belge a touché au crédit-temps, et notamment au crédit-temps pour s’occuper de son enfant, et c’est un gros coup dur pour les parents.

En Belgique, le crédit-temps est accordé aux salariés du secteur privé.

Jusqu’à il y a encore quelques jours, il permettait de suspendre temporairement sa carrière pour

  • s’occuper d’un proche en soins palliatifs
  • s’occuper d’un proche gravement malade
  • s’occuper de son enfant de moins de 21 ans atteint d’un handicap
  • s’occuper de son enfant mineur gravement malade
  • s’occuper de son enfant de moins de 8 ans pendant 51 mois

Mais les choses ont changé…

Le gouvernement belge a décidé de faire des économies en compliquant, un peu plus, la vie des parents.

Les nouvelles règles du crédit-temps pour s’occuper de son enfant

Sachez d’abord que désormais, quelle que soit la motivation à l’origine du crédit-temps, il est raboté de trois mois.

Deux changements concernant le crédit-temps pour s’occuper de son enfant

Les travailleurs belges ont désormais le droit de prendre un crédit-temps pour s’occuper de leurs enfants jusqu’à l’âge de 5 ans (et non plus 8) pendant au maximum 48 mois (contre les 51 mois d’avant).

Donc en plus de voir le crédit-temps raccourci, la fenêtre de tir pour le prendre est plus courte.

Ce qui ne change pas: le crédit-temps peut toujours être pris à temps plein, en 4/5e (soit 1 jour de congé par semaine) ou à mi-temps.

Attention, le crédit-temps n’est pas le congé parental.

crédit temps enfant belgique

L’allocation reste dérisoire

Si un parent prend un crédit-temps à temps plein, il reçoit 516,63 euros nets par mois.

Une somme absolument dérisoire au vu de l’augmentation du coût de la vie et qui n’a pas été revue à la hausse, bien entendu.

À ceux qui pensent que ce crédit-temps est un luxe et qui se moquent du débat que cela peut faire, je confirme…

Au vu de l’allocation accordée, seuls les gens ayant beaucoup de moyens peuvent se permettre de prendre un crédit-temps en le vivant bien.

En vrai, le crédit-temps est généralement pris par des parents déjà tendus financièrement, qui n’ont pas le choix.

Le crédit-temps pour s’occuper de son enfant est un cadeau qui n’en est pas un.

Qui, dans le couple, prend le crédit-temps à votre avis?

Un crédit-temps sera plus facilement pris par une personne en couple que par un parent célibataire. 

Et c’est souvent la personne qui gagne le moins des deux qui le prendra, afin que la différence de revenus familiaux soit la moins forte possible.

Qui va donc prendre ce crédit-temps pour s’occuper de son enfant? Une femme, le plus souvent. 

Les femmes ont déjà de grosses difficultés à être prises au sérieux dans le monde du travail. Le crédit-temps n’arrange rien.

Non, ce n’est pas un « cadeau » gracieux qui est fait aux parents… C’est un cadeau légèrement empoisonné.

Moi, quand j’ai pris le mien, en 4/5e, j’ai bien senti qu’on essayait de me faire passer pour une glandeuse. Cette étiquette n’est jamais fabuleuse pour une carrière.

« C’est un recul des droits des parents »

Pour La Ligue des familles, ces modifications apportées au crédit-temps, c’est « un recul des droits » des parents.

« Les parents attendaient un renforcement de ces congés qui sont très mal rémunérés or le gouvernement, au contraire, taille dans ces dispositifs de conciliation vie privée-vie professionnelle« , souligne Lola Galer, chargée d’études à la Ligue des Familles, à la RTBF.

« On risque d’avoir, très vite, des parents à bout qui vont craquer« , selon elle.

« Ces parents vont passer en incapacité de travail, se retirer du marché de l’emploi, prétendre au chômage… et donc les économies que l’on pensait faire aujourd’hui, il faudra sans doute les payer plus tard.« 

Je rappelle quand même que pour prétendre au crédit-temps à temps plein, le travailleur du secteur privé doit comptabiliser 24 mois d’ancienneté dans la société et 12 mois pour les autres formules à mi-temps et en 4/5e cinquième.

Les parents qui « profitent » du crédit-temps ont donc déjà cotisé. La minuscule allocation touchée a déjà été ponctionnée de leur salaire, en prévention.

Le crédit-temps est pris par les parents le plus souvent parce qu’ils n’ont pas le choix!

Le crédit-temps pour s’occuper de son enfant souvent pris pour pallier le manque de place en crèche

On pourrait imaginer que le crédit-temps est pris par les parents pour le simple plaisir de s’occuper de leur enfant en bas âge.

En réalité, il est souvent pris pour pallier un manque criant de place en crèche ou chez les accueillantes conventionnées.

Le choc pour les parents

Les témoignages des parents sont édifiants.

« Nos jumelles n’ont pu entrer en milieu d’accueil qu’à 10 mois et sans ce droit à un congé parental (avec la baisse de revenu conséquente que cela a engendré), je ne sais pas comment nous aurions pu nous organiser autrement en attendant », écrit Stéphanie sur la page Facebook de la Ligue des familles.

« Comment dans une telle crise sociétale, on peut encore déconstruire le peu que l’on octroie déjà aux parents? », s’interroge Anne.

« Qu’ils se basent sur certains pays nordiques où le niveau de bonheur est bien supérieur que chez nous et où l’économie se porte bien mieux! Pourtant, ils ne font aucune impasse sur les congés parentaux, qui sont la norme et bien plus longs et mieux payés », note Jessi.

« Vous ne savez jamais ce qui peut arriver avec un nouveau-né », rappelle Sina.

« Mon fils est né avec des allergies sévères et une crise d’asthme qui l’ont mis dans une situation difficile les 3 premières années de sa vie. »

« Le système fournit déjà très peu de soutien pour de tels cas et si un parent n’est pas disponible pour rester à la maison pendant les périodes de crise en utilisant le congé parental, nous devrions quitter nos emplois. »

Marie est dépitée: « Ces types de congés (qui ne sont pas des congés mais bien des journées passées à courir après le temps…) sont indispensables pour les parents, encore plus pour les parents solos. »

« Comment tout gérer quand on travaille tous les soirs jusque 18h? Où placer les rdv médicaux… et autres nombreuses obligations…? L’organisation de la maison… »

Isabelle regrette ces « positions inégalitaires ».

« C’est déjà le cas pour les allocations familiales. En ayant un enfant avant 2020, et un en 2020 (année du changement), nous perdons plus de 10 000 euro par rapport a une famille ayant eu 2 enfants avant 2020 (sur une durée de 18 ans). Et encore, les enfants ne valent pas la même chose d’une région à l’autre…. »

Sur le site de l’ONEM, la phrase risible qui prouve qu’ils ne comprennent rien

En faisant des recherches pour écrire cet article, je me suis rendue sur le site de l’ONEM.

La bêtise de la première phrase concernant le crédit-temps me fait dire que définitivement, ils ne savent pas ce que vivent les parents.

Je trouve que ceux qui nous dirigent sont complètement déconnectés de la réalité.

On peut lire: « Vous manquez de temps pour vous-même, pour vos enfants ou votre famille ? Par le biais de l’interruption de carrière dans le secteur public, du crédit-temps dans le secteur privé ou des congés thématiques (congé parental, congé pour assistance médicale et congé pour soins palliatifs) dans tous les secteurs, vous pouvez momentanément interrompre votre carrière ou réduire votre temps de travail. »

« VOUS MANQUEZ DE TEMPS POUR VOUS? »

Parce que s’occuper d’un enfant de moins de 5 ans ou d’un proche sur le point de mourir, c’est prendre du temps pour soi?

Je voudrais en rire, mais je n’y arrive pas.

Il existait un crédit-temps sans motif. Il permettait aux gens de faire une pause carrière. De partir faire un grand voyage. De s’organiser pour se réorienter en suivant une formation par exemple.

Le crédit-temps sans motif a été supprimé en 2017.

Ne surtout pas laisser aux gens l’occasion de souffler…

Tout est fait pour que les gens n’aient justement aucun temps pour eux.

Ne surtout pas réfléchir. Continuer à les abrutir, à les assumer, à les mettre à genoux pour qu’ils n’aient plus jamais la force de prendre suffisamment de recul pour se rendre compte du piège dans lequel ils sont tombés.

Pour qu’ils n’aient plus la force de lutter contre le système toujours plus écrasant.

Certains diront qu’on peut s’estimer content que la Belgique propose ce crédit-temps, que ce n’est pas le cas partout.

Mais les droits des femmes, leurs libertés, leurs privilèges durement acquis ne cessent de reculer, partout dans le monde.

En Belgique, comme ailleurs.

Être maman de nos jours, c’est un parcours du combattant. Et cette décision vient ajouter du désarroi à celui que les parents ressentaient déjà.

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