Au cours de ces quelques derniers jours, j’ai parcouru 4280 kilomètres. Sans bouger de mon canapé. J’ai suivi Luke Healy sur l’un des chemins de randonnée les plus célèbres des Etats-Unis, un chemin mythique à travers le monde: le Pacific Crest Trail.
Ce jeune Irlandais né en 1991 a relié à pied la frontière mexicaine à la frontière canadienne entre le 16 avril et le 9 septembre 2016.
Le Pacific Crest Trail, conçu en 1932, traverse trois Etats américains: la Californie, l’Oregon et l’Etat de Washington. Chaque année, plusieurs milliers de randonneurs s’élancent dans l’idée de parcourir l’intégralité du sentier. Ils ne sont que quelques centaines à y parvenir.
Luke Healy raconte son aventure dans un roman graphique baptisé Americana, paru chez Casterman un peu plus tôt cette année.
Se gaver d’Amérique jusqu’à s’en dégoûter
Luke a toujours rêvé de vivre aux USA. Il y a séjourné plus ou moins longtemps à différents moments de sa vie mais l’expiration de ses VISA le renvoyait invariablement à la case départ. Le Pacific Crest Trail était un moyen comme un autre de continuer à rêver. “J’ai faim d’Amérique. Je veux m’en gaver jusqu’à m’en faire passer le goût”, écrit-il.
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On ne lit pas “Americana” pour admirer les incroyables paysages américains du Pacific Crest Trail: les dessins exclusivement en bleu ou rouge ne rendent pas justice aux déserts arides, aux forêts quasi tropicales, aux sommets enneigés que Luke a traversés. Ils se mélangent à des textes, plus détaillés, plus descriptifs. On est ici dans l’intime. On expérimente la solitude et on assiste à un véritable dépassement de soi.
Sur le Pacific Crest Trail, c’est la volonté qui compte
Je trouve ça très chouette à lire en ce début d’année. Luke a envisagé l’abandon 1000 fois mais il a continué à marcher, porté par sa seule volonté. “Ce qui m’a aidé, c’est de savoir que le chemin avait une fin. Vous savez que toutes ces difficultés sont temporaires.” Le message est important.
Luke expliquait dans une interview parue en octobre ici: “Quand on marche, c’est très gratifiant de voir la distance qui nous reste à parcourir diminuer chaque jour parce que ça donne le sentiment de progresser. Dans la vie de tous les jours, on n’a pas ce chiffre qui mesure ce qu’on a accompli de positif en une journée”. On n’y pense jamais mais c’est très vrai.
C’est un roman graphique qui nous parle aussi des choix qu’on fait dans la vie. Luke a continué à marcher quand son grand-père est mort au lieu de rentrer au pays. Il a également compris le privilège qu’il avait de pouvoir s’extraire durant cinq mois de la “vie normale”. Tout le monde n’a, en effet, pas cette chance. J’ai évidemment particulièrement été touchée par la partie californienne de son périple et sa nuit passée dans mon autre chez moi, à Palm Springs.
Le Pacific Crest Trail, décor du film “Wild”
Le Pacific Crest Trail a servi de décor au film “Wild” avec Reese Witherspoon dans le rôle principal. Wild raconte l’histoire vraie de Cheryl Strayed qui s’est élancée sur le parcours sans véritable préparation, pour fuir une vie qui ne lui convenait plus. Cheryl Strayed a écrit son histoire (le livre “Wild” est ici), et c’est devenu un film.
En deuil de sa mère bien-aimée, responsable d’un divorce douloureux, ex-junkie, Cheryl a décidé de s’en remettre à la nature, grandiose et sauvage. Je ne vais pas vous mentir: là non plus, on ne regarde pas le film pour ses paysages incroyables. C’est l’aventure humaine qui intéresse le réalisateur Jean-Marc Vallée (à qui l’on doit notamment la série “Big Little Lies” avec la même Reese Witherspoon).
Après de longues semaines de marche, alors qu’elle s’apprête à laisser la Californie derrière elle, Cheryl écrit: “Je ne me trouvais plus complètement nulle. Et je n’étais pas non plus une putain de guerrière amazone. Je me sentais simplement féroce, humble et concentrée sur moi-même, en sécurité dans ce monde.”
Un parcours en moins de six mois
Le Pacific Crest Trail peut se faire d’une traite, en un peu moins de six mois, mais beaucoup d’Américains choisissent d’en faire différentes portions en plusieurs fois. On ne s’élance pas sur le parcours n’importe quand. Les randonneurs partent généralement fin avril pour bénéficier des meilleures conditions météorologiques: ça évite une trop grande chaleur dans le Sud de la Californie et l’arrivée au Canada se fait, normalement, juste avant les premières grosses chutes de neige de l’hiver.
Ce qu’on voit sur la route du Pacific Crest Trail
En Californie, on passe par le Mont Whitney, le Kings Canyon, le John Muir Wilderness, le Yosemite Park. Dans l’Oregon, les marcheurs profitent d’un terrain moins exigeant, avec moins de dénivelés. Le passage dans l’Oregon est généralement un soulagement. Sur la route, il y a le Crater Lake, le lac le plus profond des Etats-Unis (597 mètres de profondeur), le Mont Jefferson, le Mont Washington et le Bridge of the Gods. Place ensuite aux neiges de l’Etat de Washington: les randonneurs avancent notamment sur le Glacier Peak Wilderness.
Petite particularité: il est accessible à tous
Le parcours du Pacific Crest Trail est particulier puisqu’il est accessible à tout le monde, même les moins randonneurs d’entre nous: il y a assez peu de dénivelés. La partie dans l’Oregon est extrêmement plate. C’est plus compliqué dans la Sierra Nevada. Mais il n’y a pas de difficulté technique particulière.
Les marcheurs suivent une bande de sable quasi ininterrompue du Mexique au Canada. Par contre, on n’y va pas pour faire du camping tranquillou. Il n’y a aucune infrastructure sur la route. On se ravitaille dans les petites villes qu’on croise sur son chemin et on dort généralement sous tente, qu’importe la météo. On tient sur la longueur grâce au mental. Ce n’est donc pas un parcours de santé.
Comme je vous le disais: les Américains aiment venir y marcher un jour ou deux le week-end. Le PCT a des points d’accès faciles sur presque tout son parcours. Lors de votre prochaine virée aux USA, peut-être pourriez-vous vous laisser tenter et faire une rando sur une partie de ce sentier mythique?
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5 comments
Merci, c’est super intéressant et ça donne envie de lire le bouquin! J’avais vu le film avec Reese Witherspoon aussi. De manière générale, je me rends compte à quel point j’aime les périples, les road-trip, les randonnées. Le bonheur, c’est le chemin… c’est un adage qui me parle.
Il y a un truc intéressant que tous les gens qui l’ont fait disent: c’est que finalement tu n’as pas vraiment le temps de penser à ta vie en marchant sur ce sentier. Tu es surtout dans l’instant: tu penses à ta douleur, au prochain point d’eau, à l’endroit où tu vas poser ta tente… moi qui pensais que tu faisais le bilan de ta vie.
Je le mets sur la liste avec l’Appalachian Trail qui est un de mes rêves. Plus exigeants apparemment, et puis tu campes avec les ours ?. Sur celui la j’ai adoré lire « A walk in the woods” de Bill Bryson. On s’y croirait !
C’est vrai hein! Peut être si tu vois un ours devant toi, là tu fais peut être un bilan très très rapide ?
Très bon article.
Même si je reste mitigé sur le récit de Luke (et surtout les graphiques qui rendent si peu compte de la beauté des paysages).
Mais il est vrai que le Pacific Crest Trail est aussi une parenthèse de liberté, une aventure intérieure (entre retour aux sources et tsunami émotionnel) dont on mesure la valeur même plusieurs mois après l’avoir parcouru (ce qui est mon cas en 2019).
Rien que pour cela, je te remercie d’y avoir consacré un post ?