Une maison entièrement recouverte de miroirs et installée au milieu du désert à Palm Springs avait attiré la grande foule lors de l’hiver 2017-2018. Réalisée par Doug Aitken, elle reflétait le paysage tout autour. La maison semblait comme engloutie par la nature environnante tandis qu’à l’intérieur, on avançait dans un kaléidoscope de lumière.
Cette oeuvre étonnante, baptisée Mirage, faisait partie de l’exposition Desert X. Doug Aitken voulait flouter les frontières entre l’intérieur et l’extérieur, entre le rêve d’une nature pure et inhabitée et la poursuite interminable de sa conquête par l’homme. L’oeuvre était tellement impressionnante (et tellement Instagramable) que les riverains du quartier chic qu’il fallait traverser pour y arriver ont obtenu sa fermeture précoce pour cause d’embouteillages réguliers. Mirage a désormais pris place début février dans les montagnes de Gstaad dans les Alpes suisses. La maison y restera deux ans et l’artiste vous invite à revenir la voir à différentes saisons pour admirer les mouvements de la nature se refléter dans les miroirs.
Mais revenons-en à nos moutons… Chaque année, depuis 2015, l’art contemporain s’expose gratuitement et en plein air à Palm Springs et environ. On visite l’expo comme on ferait une chasse aux trésors: une application dédiée nous indique sur une carte les emplacements des oeuvres d’art dans la région. Cette année, le climat et l’immigration sont au centre des débats. L’art nous invite à réfléchir aux problématiques de notre temps, nous offre de nouvelles perspectives, de nouvelles façons de penser On peut être totalement hermétique à cette forme de culture, c’est difficile de ne pas être touché ou captivé par ces créations qui envahissent l’espace. C’est toujours surprenant et raconté de bien jolie façon. J’ai fait le tour des oeuvres les plus marquantes.
Un jour, le désert sera à nouveau sous eau
Coachella, c’est un festival de musique ultra célèbre mais aussi et surtout le nom de la vallée où j’habite. Vous savez pourquoi elle s’appelle comme ça? Parce que les premiers colons espagnols ont découvert une abondante vie marine fossilisée dans la région, quand même située à plus de 160 kilomètres de la côte pacifique. Ils ont alors appelé l’endroit “conchilla”, soit “petite coquille”. Il y a six millions d’années, le désert était en effet submergé. Pour le collectif danois Superflex, l’époque n’est pas si lointaine… Pour eux, le réchauffement climatique couplé à la montée dramatique du niveau des eaux des océans finiront par submerger à nouveau le paysage et par rendre de nombreux endroits inhabitables pour l’homme. Les parois de cette oeuvre toute rose ressemblent à du corail.
L’emblème de notre auto-destruction
A l’entrée de la ville de Palm Springs, un écran géant montre un drapeau installé sur le site de la première découverte pétrolière majeure du monde, recréé virtuellement. C’était à Spindletop, au Texas, en 1901. Le drapeau est en fait une fumée noire qui s’évapore dans l’air. L’idée est de dénoncer les agissements de l’homme, qui épuise les ressources sans réfléchir et volontairement. La fumée noire est en fait le gaz normalement invisible responsable du changement climatique. Ce drapeau qui flotte au vent, c’est l’emblème de notre auto-destruction. L’oeuvre invite à réfléchir sur notre rôle dans le réchauffement climatique et toutes ces terres autrefois fertiles qu’on a rendues inexploitables.
Orange fluo comme un avertissement
Au milieu du désert, entre deux terrains plein d’éoliennes, un gros bloc orange fluorescent semble avertir d’un danger. Les montagnes de San Jacinto se découpent derrière la sculpture géométrique. C’est étonnant et très beau. Sterling Ruby, l’artiste, estime que ce bloc est ce qu’on souhaite y voir: un conteneur, un bunker militaire, un objet non identifié, une maison abandonnée…
L’arc-en-ciel de l’espoir
Un arc-en-ciel est installé dans la Coachella Valley. Une réplique est installée à Baja, au Mexique. Une démarche intéressante quand on sait l’énergie déployée par Donald Trump pour construire un mur à la frontière. Ces deux créations colorées sont le symbole de la pluie et de la fertilité. Pour Pia Camil, la créatrice, l’oeuvre vise à rétablir l’espoir, l’amour et l’inclusion. On en a plus que besoin dans ces temps agités.
Un autre point de vue
A une petite heure de route de Palm Springs, après une traversée de palmeraie impressionnante, on approche de la Salton Sea, un plan d’eau artificiel qui dégage des émanations toxiques mortelles. Plusieurs escaliers en béton se font face. Au sommet, on change de point de vue, on appréhende le paysage et le temps autrement. Sur chaque marche, Ivan Argote, créateur de A Point A View, partage ses réflexions sur la nature, l’économie avec des mots en anglais et en espagnol, puisque les habitants de cette région assez pauvre parlent espagnol pour la majorité.
L’expo Desert X est à voir dans le désert californien jusqu’au 21 avril 2019. Toutes les informations sur le site dédié. Je vous recommande d’installer l’application si vous êtes dans la région. Elle vous mènera à bon port.
2 comments
En effet… Bluffant !!
Fascinant ! J’aime beaucoup l’art contemporain, notamment pour son engagement politique et citoyen et aussi pour la liberté qu’il nous laisse (ou peut nous laisser) d’interpréter les œuvres selon notre sensibilité.