J’ai lu le roman Tout ce qui manque de Florent Oiseau, auteur français de 33 ans, dont je lis chaque livre avec délectation: voici mon avis sur ce bouquin qui fait partie des œuvres de la rentrée littéraire.
J’aime bien Florent Oiseau. Il a le chic pour raconter des banalités. Il s’intéresse aux petits événements plutôt qu’aux grands, aux détails du quotidien plutôt qu’à l’exceptionnel. Sous son regard et sa plume, rien n’est vraiment laid et tout est digne d’intérêt.
Ses bouquins (il a écrit Paris-Venise, Je vais m’y mettre, Les Magnolias et Les fruits tombent des arbres), ont un point commun: ils racontent la vie de gens sans grandes ambitions. Florent Oiseau fait l’éloge de l’ennui, du temps qui passe et qu’on ne remplit pas. Tout ce qui manque, fraîchement sorti, ne fait pas exception.
Tout ce qui manque de Florent Oiseau: ça raconte quoi?
Florent raconte l’histoire de Laurentis, un écrivain flegmatique en pleine rupture qui veut écrire un livre dans l’espoir de reconquérir celle qui l’a quitté. Il écrit dans la maison de ses parents décédés, dans une campagne bouleversée par une histoire de chiens retrouvés morts empoisonnés.
Tout ce qui manque: mon avis
Ce que je préfère chez l’auteur, c’est son sens de la formule et son mélange de poésie et de trivialité. Derrière une apparente mollesse, l’écriture est maîtrisée, les mots choisis avec soin et les images évocatrices de sentiments.
C’est précis, jamais banal, sarcastique, désabusé, c’est tout ce que j’aime: je surligne de nombreux extraits dans ses romans, juste pour le plaisir de relire l’alignement parfait de ses mots.
Un exemple? Voici comment il décrit le moment de bascule entre les deux protagonistes de Tout ce qui manque. « Elle avait ri comme on dégivre une vitre, et puis on avait repris le jeu, l’air de rien. Sur le chemin du retour, dans la voiture, il y avait eu un silence qui pesait le poids d’un piano. Ce n’est pas grave les silences, mais ils n’ont pas tous la même tonalité, celui-ci était empreint de fatalité, comme si la route sur laquelle nous étions ne menait qu’à une impasse. Quelques mois plus tard, on emménageait ensemble, mais le mail était fait, cet instant dans l’habitacle de la voiture avait tout ravagé. »
C’est beau non, cette façon de raconter ce qui ne se voit pas?
Des extraits qui donnent envie
Lors de la sortie du roman Les fruits tombent des arbres en 2021, Florent m’avait dit que ses personnages lui ressemblaient mais qu’il n’écrirait jamais un livre d’autofiction (mon interview de Florent Oiseau est à lire ici).
J’ai quand même l’impression qu’il se raconte un peu quand il se demande dans quelle mesure ça devient problématique de raconter sans cesse la même chose.
« Certes, cette fois-ci, ce livre appartenait à Ana, mais le déguisement fabriqué tout autour, celui pour les lecteurs, avait été cousu avec le même fil, mes sempiternelles obsessions. J’imprime des images identiques, superposables, elles naviguent en moi tout le temps. Il pleut, des hommes boivent, des femmes fortes portent tout sur leur dos, j’ajoute quelques chiens, des cigarettes, des aires d’autoroute, des bancs, une prostituée. Des sentiments imports et des mots dérisoires utilisés pour essayer de les dire. Dans le fond, il est question de solitudes ou, plutôt, de solitudes, de solitudes qui se conjuguent, se rencontrent, se manquent. Sont-ils là mes monstres? »
De jolis mots pour parler de la rencontre qui a changé sa vie
J’ai tout lu de lui, et j’ai l’impression que c’est une question que Florent Oiseau pourrait se poser sur son propre travail. Mais moi, ça me va qu’il raconte tout le temps la même chose quand c’est dit avec d’aussi jolis mots.
Quand c’est pour raconter l’amour comme ça: « Ana, ne pas te rencontrer aurait été l’unique drame de ma vie. Parfois j’y pense, je m’imagine aller à une autre soirée, cette nuit-là, il y a quinze ans. Une soirée où tu n’es pas, et te rater. Respirer de mon côté, faire des rêves dans lesquels tu n’apparais pas, ignorer ton existence, regarder des ciels d’été sans t’y voir. C’est vertigineux, c’est impossible. Si je t’avais loupée, il y a quinze ans, parfois j’y pense, j’aurais vécu en ignorant. Une vie sans connaître le goût de ta salive et le poids de tes larmes, je te le jure, Ana, ç’aurait été une vie ratée. »
Tout ce qui manque est sorti aux éditions Allary qui le décrit comme le roman de la rupture amoureuse. Son éditeur compare Florent Oiseau à « un John Fante d’Intercités », John Fante étant un écrivain américain qui n’a jamais rien raconté d’autre que sa propre histoire et qui savait transformer l’ordinaire en extraordinaire.
Attention, Florent Oiseau ne fait pas l’unanimité. Certains lui reprochent de ne rien raconter. Je comprends. Moi, j’aime bien ça, mais si vous cherchez un vrai début d’histoire et une fin tonitruante, ce n’est pas ici que vous la trouverez. Florent écrit sur des parenthèses, des moments fugaces, sans suspense particulier. Ses romans sont des tranches de vie plutôt que des intrigues hyper ficelées.
Si mon avis sur ce roman vous a donné envie de vous y plonger, voici le lien d’achat direct de Tout ce qui manque de Florent Oiseau.
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