J’avais adoré “Le dernier enfant”, roman de Philippe Besson paru en janvier 2021. Il racontait l’histoire d’une femme qui voit son dernier enfant quitter la maison familiale. Ce départ, qu’elle a pourtant eu le temps de voir venir et de préparer, la dévaste. Que va-t-elle devenir face à cet horizon inconnu qui s’ouvre devant elle? J’en avais longuement parlé avec l’auteur. Je vous avais fait le compte-rendu de notre discussion ici. Philippe Besson est de retour avec “Paris-Briançon”, qui m’a happée en quelques pages.
Paris-Briançon ou la magie du train de nuit
On suit le destin de 12 personnes qui embarquent dans un train de nuit reliant Paris à Briançon. Certains sont là par choix, d’autres parce qu’ils ont raté le TGV. Ils ont tous des raisons différentes d’être à bord: l’un va vider la maison de sa mère décédée, un autre va retrouver sa fiancée, une femme accompagne ses enfants chez ses parents, un couple de retraités veut profiter d’un peu de répit entre deux chimiothérapies du mari… Ils n’ont rien en commun, excepté leur présence dans ce train.
Philippe Besson nous dresse le portrait de chaque personnage avec une plume d’une finesse folle. En lisant ses descriptions, on entend très clairement les éclats de voix en provenance du wagon des jeunes, on aperçoit les corps qui se frôlent dans le couloir étroit, on imagine les sourires polis qu’on échange entre voisins de chambrée et la solitude qu’on tente de dissimuler. Au fil des heures, la nuit invite les passagers à se confier. A la faveur de l’obscurité, des liens se nouent, une intimité se crée. On ose, un bref instant, être soi, assumer ses défaites, clamer sa vérité.
“Ils l’ignorent encore mais à l’aube, certains auront trouvé la mort”
Il y a dans le récit de Philippe Besson une urgence que je ressens encore au fond de mon ventre, plusieurs heures après l’avoir terminé. Parce que les personnages de ce Paris-Briançon l’ignorent encore, “mais à l’aube, certains auront trouvé la mort”. On assiste à ces échanges en sachant qu’un drame va survenir. Attentat? Accident? Déraillement? Qui y laissera sa vie? Quel impact ces disparitions soudaines auront sur ceux qui ont partagé leurs dernières heures? Qui tiendra encore debout après le drame? Comment reprendre le cours de sa vie quand on a, quelques instants plus tôt, à la faveur de l’obscurité, osé baisser le masque?
Ce qui parait léger ne l’est pas puisqu’on sait dès le départ que ces personnages vont voir leur vie basculer de façon tragique et inattendue. J’ai dévoré “Paris-Briançon”, je voulais tellement savoir comment ça allait se finir. Philippe Besson rappelle avec ce roman formidable qu’on ne maîtrise pas son destin et que certains moments qui semblent insignifiants peuvent transformer notre vie. “Souvent, la vie se décide sur presque rien, une rencontre, une opportunité, une paresse.”
“Une époque vulgaire où tout est spectacle, et surtout la souffrance”
Philippe Besson nous offre aussi une analyse brutale et juste de cette “époque vulgaire, où plus rien n’est privé; où tout est spectacle, et surtout la souffrance, surtout la désolation, où la décence pèse si peu devant la prétendu priorité à l’information”. (…) “Ce qui compte, c’est d’être les premiers à poster des photos, pour dire: hé, les gars, je suis sur place et vous non. Bien sûr, on assortit ces clichés volés de commentaires affligés, mais en réalité la jouissance du témoin privilégié l’emporte sur la compassion affichée.”
Personne ne sort indemne de ce Paris-Briançon. Ni ceux qui étaient à bord: “Abandonner le territoire de son effroi ne signifie pas s’en affranchir”, ni ceux qui lisent leur histoire. Achetez Paris-Briançon via mon lien d’affiliation Amazon ici. L’acheter via ce lien précis ne change rien pour vous mais me permet de gagner quelques centimes: une façon comme une autre de financer ce blog.
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