Le post-partum n’est pas un baby blues ni une dépression post-natale: c’est un mot qui définit la période (les premières semaines) qui suit l’accouchement. Toutes les jeunes mamans vivent un post-partum. Il faut qu’on en parle, le sujet est encore trop peu connu.
Je crois que ça fait partie des moments d’une vie qu’on n’oublie jamais: les premiers jours qui suivent la sortie de la maternité, quelques heures à peine après avoir donné la vie.
Je me souviens de l’angoisse qui me tordait les boyaux alors que j’avançais dans les couloirs de la maternité, mon bébé tout frais dans son maxi-cosy.
Je me souviens que je souriais: c’est ce que les nouveaux parents font, non, généralement, à ce moment-là? Tout le monde est content de rentrer chez lui, n’est-ce pas?
Le post-partum, c’est sourire pour cacher la terreur
Du coup, j’ai souri pour cacher la terreur qui emplissait mon être à mesure que j’approchais de la double porte qui allait s’ouvrir sur le parking de l’hôpital.
Quand j’ai attaché le siège auto de mon bébé dans la voiture, pour la toute première fois de ma vie, j’ai été percutée par la fragilité ce petit être endormi. J’ai senti une peur sourde et vicieuse prendre possession de mon corps.
Pendant le trajet, je me répétais que c’était normal. Que c’était nouveau. Je savais que je finirais par m’habituer. On s’habitue à tout, comme on dit.
J’avais, sans le savoir, déjà adopté mon mantra perso me permettant de passer à travers tous les écueils de la parentalité: ça va passer.
Mais je me souviens avec précision de cette trouille monumentale dont personne ne m’avait jamais parlé. Elle était d’une puissance jamais ressentie avant, ni depuis: on était bien sur un 7-8 sur l’échelle de Richter niveau séisme personnel.
Le choc quand j’ai compris qu’on ne serait plus jamais “que” deux
Une fois à la maison, j’ai couché mon bébé dans son berceau, encore un geste que je faisais, tremblante, pour la toute première fois. Dehors, la nuit était déjà tombée et en revenant dans le salon, j’ai fondu en larmes.
Je me sentais écrasée par la responsabilité du truc. Je répétais au papa: “On ne peut plus le rendre, tu te rends compte? Il y a deux jours, on était deux et on ne sera plus jamais deux… Et s’il lui arrive un truc? Et si c’est de ma faute?”
Un post-partum sans “village”
J’ai rapidement séché mes larmes mais dans les jours qui ont suivi, j’ai dû faire le deuil de ce slogan qui veut qu’il “faut un village pour élever un enfant”. Je n’avais pas de village.
Je n’avais pas une gentille maman à mes côtés pour m’épauler, me conseiller ou m’aider à mettre ma nouvelle organisation en place.
Mes copines qui avaient eu des enfants avant moi étaient occupées par leur propre progéniture tandis que celles qui n’en avaient pas ne pouvaient pas comprendre l’angoisse qui m’habitait donc je ne préférais pas en parler.
En prime, mon corps s’était parfaitement bien remis de l’accouchement et mon bébé cochait toutes les cases du développement idéal chez le nouveau-né: il n’y avait aucune raison objective pour que la sage-femme repasse nous voir.
Le vide et le silence quand le papa a repris le travail
Quand enfin, on commençait à trouver nos marques en famille, le papa a quitté le navire pour reprendre le boulot et j’ai senti que ma coque prenait l’eau, une nouvelle fois.
La première journée en tête-à-tête avec Ezra m’a semblé interminable. Je n’avais pas encore trouvé comment m’adresser à lui en restant fidèle à ce que je suis (je n’avais pas envie de gagatiser). Du coup, je ne lui parlais pas.
Je ne savais pas très bien comment l’occuper (devais-je d’ailleurs l’occuper, lui qui n’avait que quelques semaines?) ni comment m’occuper, moi.
La victoire de mes journées consistait à avoir pris une douche, à comprendre comment attacher l’enfant dans son écharpe de portage, à faire quelques pas dans la rue en espérant qu’il n’ait ni trop chaud ni trop froid et à acheter de l’eau chez l’épicier.
Un corps qu’on ne reconnait pas
Je n’osais pas me faire à manger quand il dormait de peur que mon fils se réveille à cause de mon agitation. Et je n’avais pas le temps de me faire à manger quand il était réveillé, du coup, j’avais faim en permanence.
Mais je me disais, malgré les vertiges fréquents, que ne pas trop manger me permettrait peut-être de récupérer rapidement mon corps, que je ne reconnaissais plus depuis qu’il avait commencé à s’arrondir et encore moins maintenant que j’avais le ventre vide et pourtant encore proéminent.
Comment j’ai retrouvé l’équilibre
Bref, c’était en 2015. On ne parlait pas du post-partum. Aujourd’hui, avec le recul, malgré une mise en place hésitante et des premiers jours émotionnellement chaotiques, je peux dire que j’ai eu un post-partum très doux.
Parce que oui, le post-partum peut aussi bien se passer. J’ai été traversée de brefs instants de doutes et d’inquiétudes, mais ça n’était que l’affaire de quelques heures, de temps en temps.
J’ai fini par lâcher-prise sur ce que la société attendait de moi: j’ai regardé des séries pendant des semaines, laissant mon bébé repus de lait dormir sur mon torse.
J’ai laissé l’hiver se dérouler sans moi, le monde extérieur continuer sa course folle. Je n’étais pas omniprésente sur Instagram, je ne lisais pas de témoignages d’autres mamans, j’étais dans ma bulle, avec mon fils et mon homme.
C’est comme ça, en écoutant la pluie tomber sur les carreaux, en vivant au rythme de mon enfant, que j’ai repris pied et le cours de ma vie.
Pourquoi le post-partum est-il à ce point méconnu?
Sept années se sont écoulées depuis et j’ai suivi avec attention le changement de société, la parole qui se libère, les revendications justifiées des femmes.
J’ai lu et entendu des dizaines de témoignages de jeunes mères dépassées, déphasées, déprimées.
Quand la Ligue des familles m’a récemment contactée pour me demander de relayer ses actions pour un post-partum mieux compris et mieux accepté, je n’ai pas hésité un seul instant.
Ce n’est pas normal que cette période soit aussi peu connue de nos jours. Que les femmes soient encore surprises de ce qui leur arrive post-accouchement.
Il existe des cours de préparation à l’accouchement, mais aucun cours ne te prépare au tourbillon qui va suivre. On te laisse désœuvrée, tâtonnante, épuisée, bouleversée.
Il faudrait commencer par définir précisément ce qu’est le post-partum
Que faire pour que ça change? Déjà, définir correctement ce qu’est le post-partum.
Comme le constate la Ligue des familles dans sa grande enquête sur le sujet, le post-partum est souvent confondu avec la dépression post-partum.
La nuance est pourtant de taille. Toutes les femmes ne connaissent pas de dépression post-partum, mais toutes vivent un post-partum.
Selon la définition de l’OMS, le post-partum débute quand la nouvelle maman quitte la maternité et se termine six semaines plus tard, lors du retour de ses règles, ce qu’on appelle poétiquement le retour de couches.
D’autres considèrent que le post-partum ne dure que quelques heures: celles passées à la maternité. D’autres enfin disent que le post-partum est long de six mois et se découpe en plusieurs phases, plus ou moins intenses.
Comment voulez-vous que les femmes comprennent ce qui leur arrive et soient prises au sérieux s’il n’y a pas de définition précise de la chose? Si on n’identifie pas exactement à quoi ça correspond?
On sait quand le post-partum commence mais pas quand il finit
Vouloir absolument arrêter un timing pour le post-partum empêche aussi les femmes d’être suivies et aidées comme elles le devraient.
Le post-partum, en vrai, on sait quand il commence, mais jamais quand il finit.
Je dirais personnellement qu’il se termine lorsqu’on a pris ses marques, quand on a retrouvé une certaine forme d’équilibre dans son corps, dans sa tête, dans son couple.
Et ça prend plus ou moins longtemps selon les femmes.
Qu’importe en fait le temps que ça prend d’ailleurs, les jeunes mamans devraient bénéficier d’aide en fonction de leurs besoins et de leur expérience personnelle.
Les combats importants de la Ligue des familles
Au vu de la façon dont le post-partum est encore géré en Belgique francophone, on dirait que donner la vie est une anecdote, que la naissance d’un enfant est un détail dans la vie d’une femme.
Mais ce n’est pas parce que ça arrive tous les jours, partout dans le monde, que l’événement est banal. Pour la femme concernée, à une échelle personnelle, il y a un avant et un après l’accouchement.
Elle ne sera plus jamais tout à fait la même. Elle verra ses convictions, ses croyances ébranlées. Elle aura des douleurs physiques inconnues. Elle se découvrira de nouvelles forces et de nouvelles fragilités.
Normaliser le post-partum
La Ligue des familles voudrait normaliser le post-partum, histoire qu’aucune femme n’ait plus jamais peur de parler de ce qu’elle traverse.
Informer
Elle voudrait aussi que les femmes soient mieux informées. Parce qu’on n’a jamais eu autant de canaux d’info que de nos jours et pourtant, l’information nécessaire se perd dans le brouhaha continu.
Après l’accouchement, on fait face, par exemple, une montagne de paperasse. On ne sait pas qui contacter pour toucher nos allocations familiales, on ne sait pas que la visite d’une sage-femme à domicile peut être remboursée, qu’on a droit à une aide ménagère…
Les infos sont données au compte-goutte à une future mère dont l’énergie toute entière est mobilisée par sa nouvelle tâche.
Vous croyez qu’en dormant aussi peu, une jeune mère a encore le courage de remplir des formulaires pour demander des aides auxquelles elle a pourtant droit?
L’aide d’une “kraamzorg” (j’hallucine de savoir que ça existe en Flandre mais pas en Wallonie)
La Ligue des familles veut que les femmes vivant en Belgique francophone ait droit à une “kraamzorg”, comme c’est le cas en Flandre.
J’ai appris l’existence de la “kraamzorg” dans l’étude de la Ligue des familles. Et ça me fait halluciner.
Tandis que les jeunes mamans wallonnes galèrent, les Flamandes ont droit à 9 visites de 3 à 4 heures d’une kraamzorg, soit une infirmière de maternité, entre le sixième mois de grossesse et jusqu’à trois mois après l’accouchement.
Que fait l’infirmière de maternité?
L’infirmière de maternité peut faire la cuisine, s’occuper des lessives, faire les courses, s’occuper des enfants plus âgés, aider aux soins du bébé comme lui donner un bain, changer sa couche ou le nourrir. Elle est une oreille attentive et une présence rassurante pour la mère.
Le coût de la kraamzorg est calculé en fonction des revenus de la famille et est remboursé en partie. Qu’attend-t-on pour offrir la même chose en Wallonie?
L’allongement du congé de maternité et de paternité
Enfin, parmi les autres revendications, qui me parlent à fond: l’allongement du congé de maternité et de paternité. L’égalité au sein de la famille, elle passe par là.
Changer le nom “congé de maternité”, parce que ce n’est pas un “congé” en fait
Mais aussi le changement du nom “congé de maternité”. On est toutes d’accord pour dire que le post-partum est loin d’être l’équivalent de vacances sous les cocotiers.
Le nom porte préjudice aux femmes. On attend notamment d’elles qu’elles reviennent, après leur fameux “congé”, au travail, disposées, reposées, en pleine forme et qu’elles reprennent la pile de dossier là où elle l’avait laissée trois mois auparavant.
Mais c’est tout simplement impossible. La femme qui reprend le taf doit gérer sa culpabilité de laisser son enfant à la crèche jusqu’à 18 heures, le manque de son enfant et puis, c’est à nouveau un autre rythme à prendre, de nouvelles habitudes à mettre en place.
La femme qui reprend le travail découvre avec l’effroi l’impossibilité totale d’être partout à la fois et la frustration permanente que ça engendre. C’est l’enfer!
Bref, je pourrais en parler encore dix ans mais je pense que vous avez compris l’idée. Je vous invite à soutenir le combat de la Ligue des familles et à commencer par lire l’étude réalisée en Belgique et ses résultats effarants.
Il y a encore du boulot et ça nous concerne toutes: mères d’hier, d’aujourd’hui et de demain.
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