Parent hélicoptère, parent drone ou parent curling: êtes-vous un hyper-parent? Réponse: probablement un peu, oui…
Bruno Humbeeck, psychopédagogue renommé en Belgique, a sorti un livre sur l’hyper-parentalité. Il exhorte les parents à lâcher-prise, pour leur propre bien et celui de leurs enfants. C’est peut-être la chose la plus difficile à faire quand on est parents: lâcher-prise. Laisser son enfant voler de ses propres ailes, lui faire confiance et faire confiance au monde qui l’entoure.
On veut tous être de bons parents. Et pour certains parents, ça veut dire tenter de contrôler les choses et d’éviter le pire. On veut préserver nos enfants de tout, tout le temps, ne pas les voir pleurer, les voir s’épanouir à l’école. Mais il faut accepter qu’on n’a pas le pouvoir de les rendre heureux, tout le temps.
Notre enfant va passer par des phases d’inconfort, de mal-être, de tristesse, au cours de scolarité et de ses rencontres avec les autres, et il faudra l’accompagner en spectateur. Spectateur actif mais spectateur quand même. On ne peut pas tout empêcher. Ce n’est, de toute façon, pas notre rôle en tant que parent.
J’ai surligné à peu près la moitié du livre. Il y a plein de remarques que je trouve pertinentes. L’idée est de montrer aux parents qu’ils peuvent lâcher du lest et que tout se passera bien. C’est une aide bienveillante destinée à améliorer le lien parents-enfants.
J’ai eu envie d’aller plus loin et j’ai donc appelé Bruno pour parler du concept de l’hyper-parentalité, extrêmement tendance.
Bruno, c’est quoi un hyper-parent?
C’est une tendance qu’on retrouve chez à peu près tous les parents depuis que les enfants ne sont plus des accidents ou des heureux événements. On les a convoqués à naître. Ils sont programmés. On se sent du coup terriblement responsable de leur venue au monde. Ce n’est pas une maladie, ce n’est pas un défaut non plus, c’est une tendance.
Pour bien le vivre, l’hyper parent doit être lucide et en sourire. J’ai beaucoup d’hyper-parents à mes conférences et c’est normal: si vous vous déplacez en soirée pour écouter quelqu’un qui parle de pédagogie, c’est que vous êtes très intéressés par l’éducation de vos enfants… Je les vois sourire quand je parle d’hyper-parentalité parce qu’ils se reconnaissent dans ce que je dis. Il faut expliquer aux parents que l’hyper-parentalité, ce n’est pas grave en soi mais c’est ça qu’il faut faire: sourire de ce qu’on est.
Je conseille à ces parents-là de trouver des moyens de faire taire les quatre petites voix qui tournent en boucle dans leur tête et qui leur disent: sois parfait, sois fort, fais un effort et dépêche-toi.
Quelles sont les trois catégories des hyper-parents?
Bruno Humbeeck explique les trois catégories d’hyper-parents dans son livre et il m’a donné des explications orales supplémentaires. Par souci de lisibilité, je sors brièvement de l’échange sous forme d’interview.
Dans l’hyper-parentalité, on distingue trois types de parents.
Le parent hélicoptère
Je vous en avais déjà parlé dans cet article consacré au parent tondeuse et autre parent tigre. “Le parent hélicoptère qui contrôle son enfant pour éviter qu’il se mette en danger”, m’explique Bruno. Il tourne sans arrêt autour de son enfant pour contrôler ses mouvements et s’assurer qu’il est en sécurité. Ses phrases préférées sont: Tu es où? Avec qui? Tu reviens quand?
Le penchant sécuritaire du parent hélicoptère l’épuise profondément. Et c’est aussi épuisant pour son enfant qui se voit sans cesse freiné dans sa quête d’autonomie.
Bruno Humbeeck rappelle dans son livre qu’il est impossible de tout contrôler: le danger est partout. Et il peut prendre aussi bien la forme d’un virus invisible que d’un conducteur ivre. Donc pas le choix: il faut prendre sur soi.
Que faire pour arrêter d’être un parent hélicoptère?
Éduquer son enfant ne veut pas dire le surprotéger. Il faut éduquer l’enfant sans brimer sa personnalité. L’enfant doit avoir un espace de liberté suffisant pour découvrir le monde. Le développement de l’enfant et son épanouissement passent par le lâcher prise de ses parents.
Le parent hélicoptère doit accepter de faire confiance. Vous avez éduqué votre enfant, il sait donc normalement ce qu’il doit faire et ne pas faire dans la vie, ça doit vous rassurer. L’idée est en fait de travailler sur votre confiance en son audace prudente: oui, votre enfant va sortir de sa zone de confort, mais parce que vous lui l’avez bien éduqué, il va mesurer les risques avant de se lancer.
Ce que les parents hélicoptères peuvent faire, c’est travailler sur la confiance fondamentale qu’ils accordent au monde. La surprotection n’est pas une solution (on dit souvent que la peur n’empêche pas le danger).
Il faut aider les parents à comprendre que non, il n’y a pas de grand complot; les endroits et les gens que votre enfant va fréquenter ne sont pas destinés à menacer son intégrité physique ou psychologique.
Si ce trait de votre parentalité devient trop pesant, voilà donc les deux pistes à creuser: travailler l’audace prudente avec votre enfant et votre confiance au monde.
Le parent drone
Parmi les autres modèles parentaux à la mode, il y a celui du parent drone. “Le parent drone veut le meilleur pour son enfant, avec des dérives puisque c’est très difficile d’être tout le temps dans la joie, dans le plaisir permanent”, m’explique Bruno. “C’est un objectif impossible pour le parent et qui n’est pas souhaitable de toute façon pour l’enfant. C’est dur à porter pour tout le monde.”
Le parent drone veut la meilleure école, le meilleur prof, le meilleur stage de vacances, la meilleure marque de vêtements… Tout, pourvu que ça soit le meilleur. Le parent drone veut que son enfant ne soit jamais déçu, du coup il anticipe ses besoins, ses envies, ses désirs.
Évidemment, c’est épuisant. Et cette attitude met une pression folle sur les épaules de l’enfant, qui pourra jamais être le meilleur, toute catégorie confondue (personne n’y arrive).
Que faire pour arrêter d’être un parent drone?
Le parent drone doit accepter l’imperfection: sa propre imperfection et celle des autres ainsi que celle du monde dans lequel on vit.
Le parent curling
Le curling est un sport qui ressemble, selon Bruno Humbeeck, à de la “pétanque sur glace” mais ça se joue avec un palet. Quand le palet est lancé, deux membres de l’équipe balaient la glace devant lui pour la faire fondre et influencer ainsi sa trajectoire.
Le parent curling est celui qui pense à l’avenir de son enfant et qui balaie frénétiquement devant lui pour faire sauter tous les obstacles. Il ne veut rien laisser au hasard. Il pense qu’en agissant de la sorte, il assure à sa progéniture un avenir serein.
Que faire pour arrêter d’être un parent curling?
Accepter le principe d’incertitude et accepter le fait que l’avenir de son enfant ne dépend pas entièrement de sa propre action.
Bruno m’explique: “Chaque parent de nos jours a un peu de ces parents-là en lui, mais à différents niveaux. Aucun n’est un problème en soi mais ça le devient quand ça met de la pression sur le parent qui veut être un parent parfait qui veut élever un enfant parfait dans un monde parfait.”
Quand vos pratiques parentales et éducatives pèsent sur vos relations avec les enfants qui vivent sous votre toit, il est peut-être temps d’en changer…
Je reprends le fil de notre interview…
Bruno, les hyper-parents, ce sont en fait des parents qui ont peur de tout. Mais comment arrête-t-on d’être tout le temps inquiet pour son enfant?
L’être humain naît avec une quantité d’angoisses: on sait qu’on va tous mourir, on ne sait pas quand et on sait que ça arrivera aussi aux gens qu’on aime. C’est une angoisse générale, on ne la nomme pas. Mais justement, on doit en parler. Avec d’autres adultes ou avec ses enfants. Il faut dépasser sa peur en réfléchissant ensemble à ce qu’elle signifie. Il faut explorer ses peurs et donc s’autoriser à avoir peur.
Ok, le monde n’est pas réjouissant, il y a des choses qu’on n’avait pas prévues: une pandémie, une guerre est à nos portes, on évolue dans un monde qui montre des signes de finitudes. L’inquiétude est devenue quelque chose de légitime. Mais elle est identifiée. On peut la contrôler en se demandant ensemble: qu’est-ce qu’on peut faire? Ça s’appelle l’inquiétude partagée.
Vous expliquez dans le livre que dans notre culture, la vie familiale se concentre quasi exclusivement sur le couple parental… On est assez seuls en fait pour élever nos enfants. Vous pensez que la vie de famille doit s’ouvrir sur autre chose et sur d’autres gens?
En Belgique comme en France, on peut être très seuls, oui. Si vous parlez d’hyper-parentalité en Afrique, ils ne comprendront pas le concept. Les enfants évoluent ensemble dans le village, les adultes, la communauté en sont responsables. La pression sur le couple parental n’existe pas. C’est comme ça, c’est dans la culture.
On devrait faire appel aux grands-parents plus souvent. Et pas seulement pour des questions pratiques. On utilise les grands-parents comme solutions de garde mais on peut compter sur eux aussi pour mieux répartir le travail éducatif.
Par exemple, on constate que quand les enfants font leurs devoirs avec leurs grand-parents, ça se passe mieux. Parce qu’ils sont moins sévères et ils ont plus de temps du coup, ils sont plus patients.
Ça veut dire aussi qu’on a le droit aussi de laisser son enfant à la garderie, ou plutôt à l’aide aux devoirs, sans culpabiliser? Quand on est dans l’hyper-parentalité, on croit qu’on doit tout gérer en permanence, être sur tous les fronts pour nos enfants…
(Il sourit) Vous vous reprenez parce que la garderie, ça donne l’impression qu’on case une chèvre. Appelez ça l’aide aux devoirs si vous le souhaitez mais oui, il faut utiliser la communauté et ce qu’elle propose dans l’éducation de nos enfants.
Et ce, sans culpabiliser. Si vous laissez votre enfant à la garderie, et que vous lui demandez quand il en revient: qu’as-tu fait? raconte-moi, ça m’intéresse… Vous transformez le moment où vous n’avez pas été là, où l’enfant s’est éduqué sans vous quelque part, en moment partagé. Et c’est très bien.
C’est en fait là qu’est la dérive de la parentalité positive: les parents pensent qu’ils doivent être disponibles en permanence pour leurs enfants, qu’ils ne peuvent plus déléguer, qu’ils n’ont pas le droit de se réserver des moments à eux… Mais un enfant, il a surtout besoin de parents épanouis, d’adultes qui lui donnent envie de grandir, qui lui donnent envie d’être un adulte heureux.
S’il vous voit toujours accaparé par des tâches pénibles, jamais dans le plaisir, comment voulez-vous qu’il en prenne en grandissant? J’ai lu une étude qui avait demandé aux mamans: quel est l’endroit où vous pouvez être tranquilles dans la maison, l’endroit où vous avez la paix. La majorité a répondu: aux toilettes. Vous imaginez?
En fait, il faut prendre exemple sur les Japonais. Ils ont inventé le concept de l’Ikigai. C’est une raison de se lever le matin. Par exemple, si votre plaisir, c’est de vous occuper de vos plantes, vous vous levez le matin et vous ne faites que ça pendant une heure. Rien d’autre ne compte que ça. C’est un rendez-vous immuable et il n’y a rien de plus important. On devrait tous avoir cet espace à soi.
On avait déjà échangé sur la pédagogie ensemble et votre avis sur les méthodes de Céline Alvarez était très tranché. Soyons clairs: vous n’êtes pas contre l’éducation positive…
Non, bien sûr que non. Il n’est pas question ici de créer un mouvement de balancier. Ce que je n’aime pas, ce sont les excès et les gens qui disent: il n’y a qu’à… Parce que ce n’est pas si simple que ça. Ce qu’il faut retenir c’est qu’il n’y a pas une règle. Le plus souvent, il faut se dire que ça dépend. Soyons prudent, parlons aux parents avec douceur.
Les hyper-parents sont malmenés pour le moment. On les accuse de mettre au monde des enfants tyrans mais honnêtement, si vous regardez Donald Trump ou Poutine, ils n’ont pas été élevés dans la pédagogie positive…
(Pour aller plus loin, je vous invite à lire l’article sur l’une des tendances parentales évoquées dans le livre: le parent zen, celui qui ne se fâche jamais, qu’importe la bêtise ou le comportement de son enfant.)
Il faut faire preuve de bienveillance envers les parents?
Je dirais de tempérance. Je voudrais qu’ils comprennent que les enfants ne doivent pas tout le temps être heureux. Sur l’échelle du bonheur, ils ne doivent pas être à 10 pour être épanouis dans leur vie. Ils doivent être normalement heureux.
Un 7/10, c’est super. Et pour le parent, et pour l’enfant. Un 10/10, c’est impossible à atteindre. Ça veut soit dire que vous êtes amoureux, soit que vous vivez une expérience dont vous rêviez depuis longtemps. Mais 7/10, c’est super.
Acheter Hyper-parentalité: apprendre à lâcher prise pour le bien des parents et des enfants ici.
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