Les relations entre frères et soeurs sont-elles aussi évidentes que les gens me le disent? Pas si sûre…
Quand j’ai posté cet article au sujet de la phrase que je n’en pouvais plus d’entendre au sujet de mon enfant unique, j’ai eu pas mal de messages d’enfant unique me disant à quel point ils s’étaient sentis seuls.
Ils m’expliquaient qu’ils avaient fait deux enfants pour leur éviter de ressentir ce qu’eux-mêmes avaient ressenti enfants, comme si la fratrie sauvait de tout sentiment négatif et assurait forcément le bonheur.
Comme si les bonnes relations entre frères et soeurs étaient une vérité inébranlable.
Ils me parlaient de la complicité de leurs enfants, comme si je ne savais pas ce que c’était, moi qui suis issue d’une famille nombreuse, qui ai deux frères et une sœur, et de leur certitude d’avoir fait “le bon choix”.
Mes amis, je vous le dis: je n’en peux plus qu’on vienne m’expliquer la vie, qu’on vienne me dire ce que je dois ressentir, qu’on vienne m’expliquer que le message que j’essaie de véhiculer n’est pas le bon…
La vérité sur les relations entre frères et soeurs
Le schéma de l’enfant unique malheureux, triste, solitaire, mal dans sa peau parce que “différent”, on le connait. Il existe. On le sait.
Mais il existe des enfants uniques heureux, épanouis, formidablement bien entourés, plein de confiance en eux et en la vie.
Il existe des fratries merveilleuses, unies envers et contre tout, qui traversent les tempêtes main dans la main, qui font fi des différences des uns et des autres. Des familles où les enfants ne sont pas jaloux les uns des autres et où les sentiments fraternels résistent à tout.
Comme il existe des frères et sœurs qui balaient les bons souvenirs de l’enfance d’une main quand leurs parents disparaissent.
Les relations entre frères et soeurs sont souvent teintées de rivalité, jalousie, de non dits ou d’autres sentiments pas très jolis.
L’ordre de naissance impacte qui l’on est et comment on se sent dans la famille: il y en aura toujours un qui pensera que la cadette de la famille est l’enfant préféré, ou que le frère aîné a toujours été le chouchou.
On peut se sentir à l’écart et avoir du mal à trouver sa place dans une grande famille et c’est souvent encore pire dans les familles recomposées.
Alors d’où vient cette idée que sous prétexte qu’on partage le même sang, on s’entend forcément bien?
Les parents n’éduquent pas leurs enfants de la même façon. Jamais.
On a beau être éduqués par les mêmes parents, on n’a pas les mêmes personnalités, les mêmes besoins ni les mêmes envies.
D’ailleurs, est-on éduqués par “les mêmes parents” sous prétexte qu’on vit dans la même famille? Un enfant qui arrive deuxième aura des parents plus expérimentés que son frère ou sa sœur aînée. Moins émerveillés, peut-être aussi.
Un enfant qui arrive sur le tard aura peut-être des parents plus âgés, qui se seront réalisés professionnellement, plus en paix avec eux-mêmes.
Ou au contraire, il aura des parents frustrés de n’avoir jamais pu aller jusqu’au bout de leurs rêves à cause de cette fratrie qu’ils ont désirée qui a grignoté toute leur énergie.
En prime, on n’a pas le même parcours de vie: certains enfants d’une même fratrie seront célibataires, d’autres se marieront jeunes; certains se dirigeront vers des professions manuelles, d’autres feront des études littéraires…
C’est naïf de penser que tout ça n’a pas d’impact sur sa famille nucléaire. Les gens qu’on rencontre et dont on tombe amoureux ont aussi un impact sur la façon dont on vit nos relations fraternelles.
S’occuper de ses parents: ce fantasme des frères et sœurs unis et toujours d’accord
Certains me disent: le problème avec l’enfant unique, c’est qu’il sera seul pour s’occuper de ses parents. Cette idée d’être redevable de ses parents me met très mal à l’aise, mais je ne m’étendrai pas trop ici, ça mérite un article à part entière.
Mais partons du principe que ok, c’est ça qu’il faut faire: s’occuper de nos parents quand ils sont vieux. Il y a cette idée que les frères et sœurs d’une même famille prendront soin de leurs parents à part égale.
Que tout le monde sera d’accord sur la façon dont il faut faire les choses. Que tout le monde aura le même temps et le même argent à consacrer à cette tâche compliquée.
C’est penser que tout le monde le vivra de la même manière. Je suis désolée de vous décevoir, mais ce n’est humainement pas possible. Ça n’existe pas.
On ne vit pas tous de la même façon le fait de voir nos parents vieillir. Les rancœurs et les frustrations de l’enfance peuvent vite refaire surface.
Le frère aîné qui a toujours voulu tout gérer va reprendre la main. Tandis que la sœur cadette qui avait tendance à s’écraser et qui avait l’impression d’être enfin devenue maître de sa vie va être renvoyée à son statut de suiveuse, qui la faisait tant souffrir quand elle était petite.
Elle va peut-être décider subitement de ne pas se laisser faire, son frère va peut-être tomber des nues et lui crier à la face toutes ses frustrations, qu’il a eu le bon ton de ravaler dans un moment pareil, LUI.
Ou elle ne dira rien et elle souffrira en silence ou dans l’ambiance feutrée du cabinet de son psy.
Les chamailleries entre enfants se transforment en jalousies qui détruisent tout.
À la mort des parents, combien de fratries n’explosent pas
Et quand les parents meurent, combien de fratries n’explosent pas. Les liens fraternels se distendent souvent en plein deuil.
Les parents sont souvent ce qui gardent les enfants unis. Ils sont les piliers de la bonne entente, des bonnes relations entre frères et soeurs.
On prend sur soi quand on voit notre frère ou notre soeur parce qu’on ne veut pas les blesser.
Et puis… On dit que l’argent ne fait pas le bonheur mais il y contribue et entre frères et sœurs, il y en a toujours un qui pensera mériter plus qu’un autre.
Parce qu’il ou elle a été plus présent.e aux côtés de ses parents lors de leur fin de vie. Parce qu’il ou elle a plus d’enfants et que donc, il ou elle estime avoir besoin de plus d’aide financière.
L’idée ici n’est pas de dire que la fratrie, c’est horrible. J’ai eu et j’ai encore des moments formidables avec mes frères et sœurs, des souvenirs de vacances géniaux, des fous rires, des soirées jusqu’au bout de la nuit…
Mais j’en ai eu des très pénibles aussi.
Autour de moi, j’ai envié certaines fratries unies jusqu’à découvrir qu’en coulisses, ce n’était pas aussi simple qu’il n’y paraissait.
J’ai vu des frères et soeurs se déchirer atrocement, des relations s’étioler brutalement, alors que je pensais que rien ne les séparerait jamais. Qu’importe leur rang de naissance, que les enfants soient du même sexe ou non…
J’ai reçu des filles au micro de mon podcast A cœur ouvert qui venaient dire à leur sœur à quel point elles l’aimaient. D’un amour pur et sans comparaison.
Les fratries unies ça existe et les enfants uniques heureux aussi
Je veux juste dire que la fratrie unie, épanouie, les frères et sœurs qui s’entendent bien, qui sont complices, c’est une réalité. Ça existe et c’est merveilleux.
Mais l’inverse est vrai aussi.
Les enfants uniques tristes, seuls, déprimés, ça existe.
Mais l’inverse est vrai aussi.
Ce que vous avez vécu enfant n’est pas forcément ce que vos enfants vivront. Vous n’êtes pas vos parents. Ils ne sont pas vous.
Vous pourrez tenter de reproduire votre schéma familial. Vous pourrez faire un petit dernier sur le tard en faisant fi de l’écart d’âge, faire de votre premier-né un grand frère, créer la grande fratrie dont vous rêviez parce que vous avez adoré avoir une grande soeur et un petit frère, ça ne sera jamais tout à fait la même chose.
Vous pourrez aussi tenter de vous en éloigner, vous y reviendrez souvent presque malgré vous.
Il n’y a pas de “meilleure famille”
Qu’importe la famille qu’on décide de former, il n’y en a pas de meilleures que d’autres. Vous n’avez pas plus les clés que moi. Je n’ai pas plus de solutions que vous.
Vos enfants ayant des frères et sœurs ne seront pas forcément plus heureux que le mien, enfant unique. L’inverse est vrai aussi.
Chaque enfant, en fonction de ses traits de caractère, en fonction de votre personnalité aussi et du schéma parental que vous lui proposez, tracera son propre chemin de vie.
Partageons nos expériences, mais avec nuance et douceur. Tous les schémas existent et ce n’est pas parce que certains sont plus marginaux que d’autres qu’ils doivent être discutés ou remis en question en permanence.
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2 comments
Mais tellement merci de casser ce mythe de la fratrie/famille parfaite et fantasmée ! Je vois tellement de couples autour de moi qui avaient déjà du mal à gérer leur premier enfant, à réinventer leur modèle familial et qui en ont enchainé un 2ème (parce que 2 enfants d’âge rapproché, c’est mieux, ils seront plus complices – fantasme encore…) et où le couple va très mal parce que c’est évident que c’est fatigant de gérer 2 enfants en bas âge, que ça chamboule un couple et qu’il faut être solide. Bref, souvent, je me demande à quel prix les gens paient leur vision fantasmée de la vie en général (ça comprend aussi souvent la vie professionnelle) et leur vie familiale. Il est grand temps de casser toutes ces fausses croyances, de rendre la liberté aux gens de vivre la vie qu’ils ont choisie (surtout quand leur choix n’est pas un choix de conformité sociale).
Merci pour cet article. C’est vrai que le mythe de la fratrie où il n’y a jamais d’histoires / jalousie… c’est pas forcément la réalité. Dans mon entourage j’ai vu des fratries qui sont devenus de parfaits étrangers une fois les parents décédés, ou qui se sont déchirés pour des histoires d’héritage ou encore ceux qui refusent de s’occuper de leurs parents vieillissant (combien de personnes âgées qui pourtant ont eu plusieurs enfants se retrouvent seules et abandonnées dans les EPHAD car leurs enfants chéris n’ont que faire de s’occuper d’eux ou aussi du schéma où un seul enfant alors qu’ils sont plusieurs à devoir gérer les dudit parents). Après être enfant unique n’est pas non plus un long fleuve tranquille car la solitude est parfois très pesante mais et comme vous le souligner dans votre article, tout dépend du caractère de l’enfant, de son entourage familiale et amicale (ne dit-on pas qu’on choisit ses amis mais pas sa famille!). Pour ma part, je suis enfant unique et c’est vrai que j’aurai appréciée avoir des frères et sœurs mais j’ai eu aussi la chance d’être bien entouré au niveau famille avec des cousins et cousines dans ma tranche d’âge avec qui jouer même si aujourd’hui je suis moins proche d’eux et surtout de trouver dans mes amis une seconde famille. Certes je me prépare psychologiquement à devoir gérer mes parents qui vieillissent cependant je me dis que ce sera le temps d’une période difficile et après je vivrai ce deuil seule mais je l’affronterai sans avoir à subir une fratrie qui n’aura pas forcément la même vision des choses. Je connais plusieurs enfants uniques qui ont fait plusieurs enfants pour palier à cette solitude ou pensant qu’avoir plusieurs enfants sera un atout pour qu’une fois vieux ces derniers s’en occupe alors que rien est gagner à ce niveau et ça renvoi ce que je disais plus haut avec l’exemple des personnes âgées seules et abandonnées par leurs enfants en maison de retraite. Notre société actuelle nous impose une image d’avoir plusieurs enfants pour être une femme accomplie aux yeux des autres alors qu’avoir qu’un seul enfant c’est une preuve d’égoïsme alors qu’on ignore la réalité mais notre société aime bien juger autrui quoi qu’on fasse et c’est ça le plus malheureux je trouve. Je sais que les mœurs évoluent au fil du temps (certains sujets ne sont plus tabous aujourd’hui alors qu’ils l’étaient il y a 20 ou 30 ans) et peut-être que l’idéal de la famille avec plusieurs enfants / enfant unique changera mais aujourd’hui c’est pas gagné.