Alors que je mettais mon fils de 6 ans au lit, il m’a expliqué spontanément qu’il détestait la course à pied à l’école parce qu’il n’arrivait jamais premier.
Il a enchaîné en me parlant de la chasse aux œufs de Pâques à laquelle nous avions assisté dans l’après-midi, parce qu’il était dit que l’enfant qui trouverait le plus d’œufs en chocolat recevrait une récompense.
Le côté compétition le paralysait complètement. J’étais justement en train de terminer le roman “Numéro 2” de David Foenkinos, qui parle de l’échec, de ce que ça nous apprend et de comment on fait pour avancer malgré lui. De façon spontanée et inattendue, ça m’a donné des pistes pour le rassurer.
Sur le podium, il n’y a jamais qu’un seul grand gagnant
C’est une chose douloureuse qu’on apprend dès le plus jeune âge: sur le podium, il n’y a jamais qu’un grand gagnant. On passe parfois vraiment tout près du but. Tellement près, qu’on finit deuxième.
On nous dit alors qu’on peut être fier de nous. “Mais personne ne peut se réjouir d’un parcours achevé si près du but. Il était préférable de rester dans l’ombre plutôt que de frôler la lumière.”
“Numéro 2”, le dernier livre de David Foenkinos imagine la vie de celui qui a failli être Harry Potter.
C’est un roman qui traite de la réussite et de l’échec, ou en tout cas de ce qu’on croit être la réussite et de comment les échecs nous affectent et nous construisent.
La vraie histoire comme point de départ
C’est en lisant une interview de la directrice de casting des films Harry Potter que l’auteur de “La délicatesse” a eu l’idée de son nouveau roman.
Dans un entretien au Huffington Post, Janet Hirshenson racontait qu’ils n’étaient plus que deux acteurs en lice quand Daniel Radcliffe avait été choisi pour le rôle du petit sorcier: Daniel et Liam Aiken.
Ça s’est joué à un rien: un feeling, une impression personnelle. Liam était parfait, “génial et vulnérable”, mais les casteurs ont eu l’impression que Daniel allait mieux gérer la pression qui viendrait avec le succès.
On ne saura jamais si Liam aurait été capable d’assumer la folie furieuse qui a accompagné chaque sortie, en librairie ou au cinéma, de Harry Potter: il a été évincé aux portes de la gloire.
Il est toujours acteur mais son succès est confidentiel. David Foenkinos imagine ce que ça fait d’échouer si près du but et d’être perpétuellement confronté au succès qu’on aurait pu avoir.
Comment avancer quand on est sans cesse confronté à ce qu’on a raté?
Si on ne sait pas comment Liam Aiken a vécu les choses, le personnage de Foenkinos, Martin Hill, est, lui, marqué à vie par cet échec cuisant.
Un échec qu’il n’a même pas provoqué: il a été repéré sur un tournage, alors qu’il accompagnait son père accessoiriste. “On dit communément que le hasard fait bien les choses, ce qui occulte totalement l’idée qu’il peut tout autant mal les faire”, écrit Foenkinos.
Martin a été découvert par hasard. On lui a mis en tête l’idée que sa vie pouvait prendre une trajectoire épatante. Il y a cru brièvement, mais aussi fort que possible.
On lui a finalement annoncé qu’il n’en serait rien. Cet échec devient une obsession qui l’empêche de vivre et qui le tient à distance du bonheur.
Le succès des livres et des films Harry Potter lui rappelle en permanence ce qu’il a raté: il y a des affiches partout, les bouquins sont en vitrine de toutes les librairies, les gens de son âge en parlent sans cesse.
Martin grandit en ayant l’impression qu’il ne sera jamais un premier choix, qu’il sera un éternel raté, qu’il mérite les événements tragiques auxquels il est confronté.
Mais au final: c’est quoi le succès? et c’est quoi l’échec?
“Numéro 2” de David Foenkinos se découpe en trois parties. La troisième s’interroge sur la notion du succès.
On a tous l’impression, une impression exacerbée par les réseaux sociaux, que la vie des autres est mieux que la nôtre. Martin Hill croit que Daniel Radcliffe est forcément plus heureux que lui: il a la chance d’être choisi, il est devenu Harry Potter.
Mais il ne faut pas creuser bien loin pour se rendre compte que la vérité n’est peut-être pas aussi évidente.
Comment Daniel Radcliffe a vécu son succès
C’est de notoriété publique: Daniel Radcliffe a eu des problèmes avec l’alcool. Il a admis avoir tourné plusieurs scènes de la saga complètement ivre et a arrêté de boire à 18 ans.
“Je serai toujours à la fois fasciné et frustré par cette question : est-ce quelque chose qui serait arrivé, quoiqu’il arrive, ou était-ce lié à Harry Potter?”, s’interroge-t-il encore aujourd’hui.
Daniel Radcliffe a connu un succès interplanétaire à l’âge de 12 ans, un succès qui a impacté tous les domaines de sa vie, jusqu’aux plus personnels.
Vivre en étant scruté en permanence doit être insupportable. Il a probablement souvent rêvé d’anonymat.
David Foenkinos mélange la réalité et la fiction dans ce roman touchant, à lire même si on se moque complètement d’Harry Potter.
Il s’acharne un peu trop sur son perdant magnifique, mais j’ai aimé les questionnements que l’histoire soulève. Ça aide à voir nos échecs, ou ce qu’on pense être nos échecs, autrement.
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