J’ai décidé de n’avoir qu’un seul enfant. Je déteste les gens catégoriques, je sais bien que la vie n’est pas toujours linéaire, et il n’est pas exclu que je change encore d’avis.
Mais à l’heure où j’écris ces lignes, c’est vers ça que je me dirige: je serai la mère d’un unique enfant.
Et tandis que le temps passe et que j’interroge mes envies, je regarde les femmes qui font un deuxième enfant prendre le large dans un bateau sur lequel je ne mettrai probablement jamais les pieds.
Depuis mon rivage assez peu peuplé, voilà la lettre que j’avais envie de leur adresser.
J’imagine les calculs qu’elles ont dû faire avant le test de grossesse positif
Je regarde leur ventre qui s’arrondit plus vite, plus tôt, et l’enfant qui s’agrippe au bout de leur main.
J’imagine l’hésitation, l’envie de profiter de ce qu’elles ont déjà, et les calculs: les enfants s’entendent-ils mieux quand ils sont proches en âge ou vaut-il mieux profiter à fond du premier avant de faire le deuxième, au risque de ne plus avoir envie de remettre ça?
Elles savent bien qu’il n’y a aucune bonne réponse à cette question: il n’y avait pas de bon moment pour faire un premier enfant, il n’y en a pas non plus pour en faire un deuxième.
Mais elles aimeraient savoir, quand même, comment préparer un enfant à l’arrivée de celui qui arrive?
Le courage de celles qui décident de faire un deuxième enfant
Je regarde leurs cernes qui se creusent et je les trouve courageuses, ces femmes qui font un deuxième enfant. Elles savent où elles mettent les pieds et elles y vont quand même.
Déjà mamans, elles savent le sacrifice des premiers mois et de ceux qui suivent, le manque de temps, de sommeil, les inquiétudes, les pleurs, les défis qu’implique l’arrivée d’un enfant.
Elles savent que ce qu’elles croient désormais maîtriser, que ce qu’elles pensent avoir compris en élevant leur premier né, va être remis à zéro par le second.
Parce qu’un enfant n’est pas l’autre, et que dans la même fratrie, on peut avoir un aîné blond aux cheveux raides et un cadet brun aux cheveux bouclés, un grand frère calme et un petit frère bruyant, la mer apaisée et le volcan en ébullition, un garçon et une fille.
Moi j’ai un enfant unique, elles auront des enfants uniques.
La maternité est un village et elles savent que ceux sur lesquels elles ont pu compter pour garder leur premier enfant ont pris de l’âge, d’autres engagements, quand elles auront leur deuxième bébé et qu’elles n’oseront plus forcément les solliciter.
Elles supposent, à raison, que faire garder deux enfants, c’est plus compliqué.
Où est l’émerveillement?
On ne s’émerveille plus pour les femmes qui font un deuxième enfant comme on s’est émerveillés pour elle lors de l’annonce du premier.
Être enceinte semble “normal” quand c’est une deuxième grossesse. Comme si rien que le fait de tomber enceinte est moins miraculeux.
J’observe la réjouissance extérieure un peu fade, les félicitations un peu molles quand elles annoncent: “Je suis enceinte”.
On leur pose moins de questions, on leur rend moins visite à la maternité, on leur demande moins comment ça va.
On se dit qu’elles sont déjà passées par là et donc que ça ira. Alors qu’une deuxième grossesse est différente de la première. Alors qu’être maman de deux enfants, c’est deux fois plus fatigue.
Et que ce n’est pas parce qu’elles ont déjà emprunté ce chemin qu’elles ont moins le corps en vrac et les hormones en pagaille, que l’allaitement est facile, qu’elles ne sont pas rongées de culpabilité, qu’elles n’ont pas envie de hurler: “J’ai peur”.
Une future maman reste une future maman, même s’il s’agit d’une femme enceinte d’un second enfant: elle a ses doutes, ses interrogations, ses craintes.
Ce n’est pas parce qu’on a déjà un enfant qu’on sait comment en gérer deux
Ce n’est pas parce qu’on l’a déjà fait que c’est plus facile. Ce n’est pas parce qu’on a déjà accouché une fois qu’on a forcément moins peur ou qu’on aura moins mal à l’accouchement d’après.
Et puis le chamboulement… Comment gérer l’arrivée de ce petit être en prenant en compte les émotions de la grande soeur?
Y aura-t-il de la complicité entre eux? De la jalousie? Comment l’aînée accueillera son petit frère ou sa petite soeur?
En plus, ce n’est pas parce qu’on a un enfant qu’on sait comment en gérer deux. Et puis l’aimera-t-on autant? Sera-t-on la même mère pour un deuxième? Un nouvel enfant, ça pose de nouvelles questions.
Et il y a peu de monde autour pour y répondre.
Et avoir un bébé, ça bouleverse le couple…
Les femmes qui font un deuxième enfant n’ont plus la naïveté d’alors, elles savent ce que ça va coûter à leur couple.
Elles savent le poids que ça risque d’ajouter sur les épaules encore fragiles de ce couple qui a vaincu la tempête une première fois.
Ce couple qui a lutté ensemble, qui a eu plein de nouveaux sujets de conversations et aussi plein de nouveaux sujets de disputes. En se découvrant parents, souvent, ils ont oublié d’être amants.
Ils n’ont plus fait l’amour pour un tas de raisons valables, ils ont expérimenté la frustration, ils se sont souvent endormis fâchés, du moins quand ils arrivaient à dormir. Ils ont atteint le rivage, trempés et épuisés.
Mais ils ont survécu, ils ont retrouvé l’équilibre, ils ont remis le bateau à flot… et ils risquent tout à nouveau.
Elles savent par quoi leur couple va passer celles qui font un enfant pour la seconde fois. Mais elles remettent leur imperméable et elles lâchent les amarres pour la deuxième fois.
À l’horizon, le ciel est noir.
Elles savent que ça va secouer, qu’il va falloir s’accrocher, courber l’échine, qu’il y aura des engueulades à cause des nuits hachées, parce que l’un croira mieux faire ou s’en occupera plus souvent que l’autre.
L’éclaircie magnifique
Mais elles savent aussi l’éclaircie magnifique qui suit l’orage.
L’apaisement quand on quitte le monde de la toute petite enfance et qu’on s’émerveille ensemble de cet être qu’on a fait à deux, qu’on élève à deux, qu’on aime à deux.
Elles savent que faire un deuxième enfant, c’est plus de cris et de tensions sous le toit familial mais c’est surtout plus d’amour et de gloussements sous la couette. Elles le savaient mais elles étaient loin d’imaginer à quel point c’était vrai.
C’est une petite main supplémentaire dans la leur et c’est admirer, plus souvent, la beauté du soleil qui se lève et qui met le ciel en feu.
C’est être aux premières loges d’une relation d’amour naissante. C’est être subjuguée par ce lien invisible qui se tisse, c’est la fierté d’avoir mis au monde des acolytes, des compagnons de vie, des amis.
Des petites personnes qui vont grandir ensemble et se construire ensemble. Différents mais ensemble.
Moi, je ne savais pas que ma première grossesse serait aussi la dernière
Quand on tombe enceinte pour la première fois, on vit sa grossesse comme une première fois sans se dire un instant que ça sera, peut-être, aussi la dernière.
Moi, si j’en reste là comme je le crois, je devrai vivre avec ça. Avec cette frustration de ne pas avoir su, à l’époque, que je ne recommencerai pas.
Les femmes qui ont un deuxième enfant ont la chance de vivre leur première grossesse comme une première et la deuxième comme une éventuelle dernière.
Elle ne sera peut-être pas la dernière mais elles sont conscientes que c’est possible. Quand on sait, on ne profite pas pareil.
Les femmes qui ont un deuxième enfant se resservent de tout avec gourmandise et savourent chaque bouchée encore plus parce qu’elles savent qu’après, elles seront peut-être rassasiées.
Après avoir eu leur deuxième enfant, elles déposeront peut-être leurs couverts en travers de l’assiette pour signifier qu’elles en ont fini.
Elles diront que le voyage gustatif était merveilleux: doux, chaud, étonnant, explosif, qu’elles en ont tout pris à bras le corps, mais elle se lèveront pour quitter le resto et elles sauront, en fermant la porte, qu’elles n’y reviendront pas.
Les femmes qui font un deuxième enfant ont, pour la plupart, la force et l’assurance de celles qui savent que l’heure a sonné, tandis que moi, parce que j’ai choisi de n’avoir qu’un seul petit, je ne saurai jamais le goût du deuxième service.
Du rivage des mères d’enfant unique, je les regarde avec curiosité et intérêt. J’admire leur courage et leur abnégation. Et je tenais à leur dire.
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10 comments
Bonjour,
J’ai vraiment apprécié la lecture de ton article.
Justement maman d’un deuxième petit garçon depuis 4 mois, il était pour moi plus qu’une évidence que j’en voudrais d’autres quand j’ai accouché de mon premier enfant(prématuré) donc aussi l’envie de connaître une grossesse à terme et un enfant que l’on peut garder tout le temps sur soi dès les premiers instants.
2 3 ou 4 pourquoi pas, mais quand mon deuxième petit ange est né, j’ai vite compris que ce serait très différent. Je ne me suis pas trompé, dépression post partum à toqué à ma porte, tristesse d’abonner mon premier, et angoisse des premières semaines (pleins de petits soucis malheureusement pour notre 2ème) sensation de ne jamais pouvoir réussir avec mes 2 petits anges.
Oui il faut bien du courage pour remettre le couvert, mais sûrement que ça en vaudra la peine.
Évidemment je comprends bien les parents comme toi, qui ne souhaite qu’in seul enfant.
Le plus dur pour moi de 1 à 2, c’est d’avoir le sentiment, la culpabilité d’abonner mon 1.
?
Tout article est super intéressant ! J’ai une réflexion voisine de celle-ci mais elle concerne la première grossesse. Je ne suis pas prête à franchir le pas et à accepter les sacrifices qui vont avec la maternité. Je vois l’épuisement et les cernes des mères autour de moi et ce n’est pas une image qui m’attire. Et pourtant je vois bien l’amour fou que peut faire naître un enfant et le plaisir qu’il y a à le voir grandir.
Un super article !
Pour ma part je suis actuellement enceinte de mon 2nd trésor et comme tu le dis si bien, par moments il y a pleins de doutes…
Des doutes (parfois des regrets) qui me font culpabiliser comme par exemple le fait de penser que finalement on est bien à 3 et d’avoir peur de passer à 4 en regrettant cette grossesse, ou bien de devoir retrouver un nouveau rythme tout en espérant que bébé n.2 soit comme bébé n.1 et surtout la peur de la dépression Post-partum qui m’a déjà touché lors du premier…
Bref…
Quand les hormones ne joue pas avec moi je suis heureuse et j’ai hâte de rencontrer ce nouvel être et de l’aimer. ?
Mince -, j’avais mis des cœurs ! Pas des points d’interrogations !
Bon, je voulais simplement dire que ta lettre m’a tout simplement émue et te remercier pour cela
Merci… Je viens de lire et je pleure évidemment. Merci davoir écrit exactement ce que je ressens, se que je pense. Ça m’a fait du bien de le lire… Les doutes, les espérances, les attentes. Tu d’écrit le tout parfaitement bien. Merci vraiment.
Merci Elodie, ton message me touche beaucoup.
Je tombe par hasard sur cette lettre. Je viens d’accoucher de mon deuxième enfant. La difficulté de gérer mon premier enfant, l’impression de ne plus avoir de temps pour lui et la difficulté de repasser par tous les inconvénients des premiers mois impactent énormément mon moral. La lecture de cette lettre vient de m’apporter un énorme réconfort et le sentiment d’être comprise. Donc juste merci…
Félicitations et courage. C’est beau et c’est dur à la fois, je ne peux que l’imaginer.
Bonjour, je vous remercie pour votre texte qui m’a fait du bien.
Actuellement maman d’un seul enfant de 5 ans, j’hésite fortement pour un deuxième. Je dirais même que ça fait 3 ans que je ne fais qu’hésiter en balançant la force que j’aurais encore de traverser cela, le rêve initial qui était d’en avoir plusieurs, l’impact positif et négatif que cela aura sur mon fils, sur mon couple, sur moi. J’ai peur à présent d’avoir trop attendu et m’être trop posée de questions. Pour ma part, je regarde les femmes sur l’autre rive avec envie et admiration. Elles ont eu le courage et l’insouciance que je peine à trouver, j’aurais aimé avoir cela.
Maman d’un merveilleux petit garçon de 19 mois, je me pose toutes les questions que tu exposes parfaitement bien. Est ce que je suis capable de retraverser une dépression post partum ? Est ce que mon couple tiendra alors qu’il a déjà tellement tangué ? Est ce que je peux aimer aussi fort ?
Merci pour cet article. Je vais le relire encore une fois si ça ne te dérange pas