À trop lever les yeux au ciel, ceux qui ne supportent pas les enfants ont oublié de voir à quel point ce qu’ils dénigrent était beau. Il suffirait qu’ils regardent attentivement la mère et l’enfant qui leur font face pour voir que les cris qui résonnent dans leur quotidien silencieux sont en fait de la joie qu’on ne sait pas exprimer autrement, parce que c’est trop fort, parce que c’est trop drôle. À trop critiquer l’éducation qu’on donne de nos jours et les bisous qu’on ne donne plus “alors que c’est la base de la politesse”, les choses que l’on permet désormais “alors que moi de mon temps…”, ils oublient qu’ils ont été jeunes et heureux avant d’être vieux et aigris.
Je ne parle pas ici des enfants à qui on laisse tout faire, qui retournent un restaurant, qui se croient tout permis et à qui on laisse croire que c’est le cas. Je parle d’enfants bien éduqués… mais qui restent malgré tout des enfants. Oui, ils ont un volume sonore un peu élevé, oui, ils bousculent parfois l’un ou l’autre adulte mais s’en excusent. Et je ne vise pas les gens qui sont agacés par ces fameux enfants rois, mais ceux qui ne supportent pas la simple vue d’une famille, partant du principe que les enfants seront évidemment et forcément mal éduqués. Ceux qui s’irritent immédiatement et de façon épidermique.
Il y en a des commentaires et des soupirs sur le passage d’une famille heureuse. On connait les regards agacés quand on avance dans l’allée tandis qu’on cherche sa place dans l’avion, on entend les claquements de langue énervés quand on s’installe au restaurant. De nos jours, peu importe l’âge qu’on affiche au compteur, il faut se taire, obéir, être bien sage et bien docile. C’est ce qu’on nous dit à la télé et au travail.
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Les gens n’aiment plus les enfants des autres, ils supportent parfois à peine ceux qu’ils ont eux-mêmes engendrés. Ils ont plié sous le poids des obligations et de la responsabilité, ils ont oublié la légèreté de l’être, le droit de dire non, celui de faire preuve d’enthousiasme. Ils exigent que les enfants fassent pareil. Il faut les faire “rentrer dans le rang”, leur faire savoir au plus tôt que la vie n’est qu’une succession d’obligations, d’ordres à exécuter, de règles à suivre. “La vie, ce n’est pas toujours marrant, autant qu’ils le sachent dès à présent…”
Personnellement, j’ai dû rater le chapitre qui disait qu’une vie réussie devait obligatoirement être morne et silencieuse, ou peut-être ai-je lu le mauvais livre.
On les voit de loin les gens qui ont oublié leur propre enfance, ceux qui ne sont plus touchés par l’innocence et la fraîcheur. Ils avancent à petits pas sur le trottoir, le dos voûté, en fusillant la mère et sa poussette qui n’a absolument rien de fait de mal si ce n’est d’exister. Ils partent du principe que les parents ne font plus leur boulot, qu’ils se croient tout permis et que c’est pour ça que leurs mômes poussent comme de la mauvaise graine. Ils pensent que la courtoisie a une date de péremption et qu’ils ne sont plus concernés, que c’est aux plus jeunes de faire de la place, de dégager le passage, et ils le font savoir bruyamment. Ils reprochent aux enfants et à leurs parents leur propre impolitesse.
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On les entend au restaurant, nous signaler que “quand même, c’est tout un déménagement pour occuper un enfant de nos jours”. Commentaire inutile, que personne n’a sollicité. Ils me diront qu’un enfant peut s’occuper avec un bâton et un caillou, qu’on en fait “bien trop”, qu’ils sont “pourris gâtés”, mais je ne vois pas en quoi voir un môme s’occuper à table avec des crayons de couleur peut empêcher quelqu’un assis pas loin de bien manger.
Ces gens qui s’agacent de la simple présence de nos enfants dans la pièce semblent ne pas savoir que la morosité n’est pas forcément un passage obligé dans la vie. Les mômes nous rappellent en permanence l’urgence d’être heureux ici et maintenant. Ils vivent tout avec curiosité, entrain et énergie. C’est de la candeur en barre, de l’innocence en perfusion. Ils frappent dans les mains en souriant lorsqu’ils sont contents, ils profitent du paysage, du voyage, des gens qu’ils aiment comme les adultes sont incapables de le faire. Ils disent ce qu’ils pensent sans tourner autour du pot, ils assument ce qu’ils sont, ils n’essaient pas de plaire, il n’y a aucune stratégie dans leurs interactions avec les gens. Quelle joie!
On ferait bien de s’en inspirer et de réveiller notre enfant intérieur pour avoir une vie un peu plus drôle plutôt que de les détester. Ce sont eux qui ont raison et c’est peut-être d’ailleurs pour ça que les enfants et leur joie de vivre énervent tant les aigris: ils leur renvoient au visage leur triste vie…
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2 comments
Jolie réflexion 🙂
Eh oui, le fameux “il faut se taire, obéir, être sage et bien docile”, étant petite, je l’entendais à la TV ou bien une mamie me l’avait raconté qu’à son époque, ça se disait beaucoup. Mais aujourd’hui, je l’entends moins autour de moi. Que pensez-vous de cette phrase ?