En Belgique, les professeurs de l’enseignement secondaire sont désormais invités officiellement à formuler leurs commentaires de façon constructive dans les bulletins. Comme l’indique cette circulaire du 15 octobre de la Fédération Wallonie-Bruxelles:
“Les commentaires rédigés dans les bulletins le sont avec mesure et bienveillance. En outre, ils précisent les lacunes mais sont formulés dans le sens de l’encouragement et de la critique positive. Les remarques font apparaître l’évolution de l’élève par rapport à lui-même (progrès, effort, attitude face au travail, etc.) et jamais une comparaison par rapport au niveau de condisciples ou à une moyenne des résultats de la classe. Elles tracent les grandes lignes d’un conseil en matière de remédiation ou de consolidation.”
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Ça devrait être logique et je suis certaine que de nombreux professeurs appliquaient déjà cette règle. Mais désormais, c’est explicitement demandé. Fini les critiques lapidaires, les jugements à l’emporte-pièce, les mots qui poursuivent l’élève des années durant. Désormais, il faudra se montrer encourageant. Sur les réseaux sociaux, sous les articles qui annoncent la nouvelle, les commentaires sont à l’image de ceux que l’on reproche à certains profs : réducteurs.
“Avant, c’était autre chose et je n’en suis pas mort”
On dit que les enfants sont bien trop couvés, qu’ils ont besoin de s’endurcir, que la violence, ça fait partie de la vie, et que “moi dans mon temps c’était une autre histoire et je n’en suis pas mort” et puis, “je les plains quand ils arriveront sur le marché du travail”. Parce qu’ils ne seront visiblement pas prêts à se faire démonter et humilier sans argument comme l’exige, visiblement, n’importe quel emploi… Si l’on en croit les commentaires publiés sur Facebook, il faudrait supporter et encaisser les brimades de ceux qui ont du pouvoir, pour s’en sortir dans la vie. Le monde est moche, autant l’admettre dès le départ. Arrêtez de rêver, vous allez déguster.
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Vous pensez bien que si je prends la peine d’écrire ces lignes, c’est que je trouve le changement formidable et complètement nécessaire. Certains professeurs oublient leur puissance. Un commentaire négatif peut accompagner un jeune en pleine recherche identitaire, et donc à la sensibilité exacerbée, toute sa vie. On nous apprend à écouter et à faire confiance à nos aînés, à respecter nos supérieurs hiérarchiques. On leur accorde du crédit, on croit ce qu’ils nous disent, surtout quand ils parlent de nous.
Les bienveillants vs les réalistes
J’avais toujours les mêmes commentaires dans mes bulletins. On me disait dissipée et incapable de me concentrer. J’ai compris bien plus tard que j’avais en fait l’esprit créatif et que j’avais simplement du mal à apprendre dans un environnement trop statique. On me disait trop bavarde, prendre la parole est devenu mon métier. Je me souviens en avoir voulu à ces profs qui résumaient ma personnalité en quelques mots, sans imaginer l’impact qu’ils pourraient avoir. Les réseaux sociaux sont aujourd’hui à l’image de ces commentaires dévastateurs. On lapide sur la place publique, on compare, on juge, on critique, sans nuances. Deux camps s’affrontent : les bienveillants et ceux qui se disent réalistes. Ceux-là voient les premiers comme des utopistes, des doux rêveurs, des illuminés et ne se privent pas pour le crier haut et fort. Et les premiers, souvent, forcent le trait et ne servent pas leur cause…
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Et si on trouvait un juste milieu?
Il est cependant possible de trouver un juste milieu quand on juge une personne. De voir le verre à moitié plein au lieu de le voir à moitié vide puisqu’il ne s’agit, en fait, que de ça. Si un ado (ou un enfant au sens large) est turbulent ou dans la provocation, on peut choisir d’espérer que l’éclaircie viendra au milieu du déluge. On peut choisir de croire que celui qui nous fait face soit réellement en train de faire de son mieux quand il le dit et on peut accepter qu’on n’a peut-être simplement pas la même notion du mieux. C’est ça, la bienveillance. Ce n’est pas un truc d’illuminé. C’est avoir de l’espoir en la nature humaine.
Un commentaire constructif, c’est un commentaire qui peut être négatif mais qui est argumenté, qui nous dit comment mieux ancrer nos pieds sur un sol en perpétuel mouvement. Ce sont des phrases qui portent et qui motivent. Qui nous disent que l’erreur existe mais qu’elle est réparable. Qu’on s’est trompé mais qu’il existe des solutions. Les professeurs ont évidemment le droit de dire à leurs élèves qu’ils n’avancent pas dans la direction souhaitée mais qu’ils choisissent des mots qui les poussent à se dépasser au lieu de phrases qui ôtent leur dernier soubresaut de confiance en eux.
Ici, on encourage au lieu de punir
Je suis particulièrement sensible à la question depuis que je me suis installée en Californie. Ici, les élèves sont perpétuellement encouragés. On ne leur dit pas qu’ils vont tomber et se faire mal quand ils tentent une nouvelle cabriole mais qu’ils vont y arriver. On les complimente et au lieu de les punir d’avoir mal fait, on les récompense d’avoir bien fait. Mon fils rentre régulièrement avec un autocollant sur la main parce qu’il a “bien rangé ses affaires”. Ailleurs, on aurait peut-être préféré insister sur les jours où il ne l’a pas fait. C’est une nuance, un détail, mais ça change tout.
L’état d’esprit général est nettement plus positif. Et au quotidien, c’est beaucoup plus agréable à vivre. Pour tout le monde. C’est un cercle vertueux : si la violence entraîne la violence, ça marche aussi pour la bienveillance. Et c’est, de nos jours, plus que jamais nécessaire. Ca vaut pour les commentaires dans les bulletins et pour la vie en général. Qu’on soit prof ou non, argumentons au lieu de démonter gratuitement ceux qui nous font face. Expliquons au lieu de crier. A l’école, les élèves ainsi encouragés deviendront peut-être des dirigeants d’entreprise encourageants et il y aura alors des employés épanouis… Et c’est ainsi que le monde se mettra à changer.
5 comments
Alors vraiment, je trouve fou qu’on soit obligé de donner une directive dans ce sens, tant ça me semble logique… et je découvre en te lisant que c’est tout le contraire ! Je suis sidérée par les commentaires que tu rapportes… C’est juste du bon sens, si on veut que nos remarques trouvent un écho, il faut qu’elles soient constructives et apportent un nouvel éclairage, une possibilité autre de transformer un point négatif en positif ! Et c’est exactement la même chose en entreprise, d’ailleurs… finalement ça rejoint les formations “management bienveillants” qui se multiplient – j’en ai suivi plusieurs. Ce qui est dommage c’est que c’est toujours le middle management qui est formé mais le top management s’en dispense… Cherchez l’erreur ! Bref…. Qu’il y ait des résistances sur le sujet me consterne, qui pourrait avoir envie de maintenir un système de dominants / dominés ?! Des aigris qui trouveront dans leur petit pouvoir la possibilité de se venger sur d’autres ? Et surtout, quels bienfaits de ce modèle ? Aucun, à part, encore une fois, préserver le petit pouvoir de ces abrutis 🙁
En tout cas c’est une bonne nouvelle, espérons que le message passe en France également, et que le fait de faire bouger les choses dès l’école ait des répercussions sur la vie en entreprise !
Pas certain que cela soit forcément approprié dans tous les cas.
Je suis en effet pour encourager les enfants et les motiver dans tous les aspects de leur vie avec une “can-do” approach en leur laissant faire et les félicitants quand ils y arrivent.
Néanmoins, en classe, il y a des regles a respecter, comme dans la vie (code de circulation, savoir vivre,…) pour que tout un chacun puisse s’épanouir.
Que dire de positif a un eleve qui ne remet pas un devoir, ne connait pas une leçon et dérange la classe et les autres eleves?
“Tu es de plus en plus inventif dans tes excuses et ta non-participation en classe. Continue ainsi, un brillant avenir se profile a l’horizon”.
Comme ça doit etre agréable de constater que l’accent est mis sur le positif… Comme tu le dis, ici, je trouve qu’on a encore trop tendance à parler aux enfants de leurs “échecs”… Et c’est dommage car ils se nourrissent de l’image qu’on leur renvoie d’eux mêmes pour se construire !
Etant du métier, je peux te dire que ça m’a toujours semblé évident. Un commentaire laisse des traces et je suis assez sensible pour savoir à quel point ça peut catégoriser l’élève, l’enfermer dans une boîte dont il finira par ne plus vouloir sortir. Certes, quand l’élève est insupportable et ne veut plus rien faire depuis des lustres, c’est dur d’être tendre, mais entre “inapte à la scolarité” et “l’attitude est perfectible, tu peux probablement faire bien mieux”, il y a un gouffre. J’ai toujours essayé de voir le positif chez mes élèves (ados), c’est resté très marginal que ce soit impossible et si je n’ai pas fait de miracles en termes d’apprentissage, j’ai toujours eu de très bonnes relations avec mes classes et ai parfois réussi à rallumer de précieuses étincelles.
Merci !!! Je vais faire suivre ce que je n’ai pas réussi à formuler ! Avec tout mon respect pour les enseignants engagés que nous avons eu la chance de rencontrer jusqu’à présent, la faute à pas d’bol et certains sabordent le bagage que nous tentons de leur inculquer pour en faire des citoyens du monde…
maman d’enfant atypiques et en recherche de solutions