À l’école, en Floride, “les parents décident, pas les profs” (pardon?)

Je trouve l’histoire complètement dingue dans le genre le monde court à sa perte. La directrice d’une école de Floride a été contrainte de démissionner après avoir montré à ses élèves de sixth grade, soit des gamins de 11-12 ans, une photo de David de Michelangelo. 

Je vous mets la photo de David, pour que tout le monde sache bien de quoi on parle ici. J’espère que vos yeux supporteront l’insupportable:

Trois parents dont les enfants sont inscrits à la Tallahassee Classical School se sont plaints. Deux parce qu’ils auraient aimé savoir avant que cette image allait être montrée à leurs enfants, un parce que le mot « pornographie » a été utilisée en classe par la prof.

Le président du conseil d’administration de l’école a donné une interview absolument édifiante à Slate. On sent bien que le journaliste galère face au petit esprit énervé du monsieur qui lui fait face et qui lui parle avec condescendance. Il a donc pris soin de tout bien retranscrire, pour qu’on ne l’accuse pas d’avoir trié l’info.

C’est quoi une charter school: mon expérience

Bon d’abord, je vous explique une chose: la Tallahassee Classical School est une charter school. Ces écoles ont un fonctionnement particulier. Elles sont entre les écoles publiques qui fonctionnent par secteur et les écoles privées hors de prix. Je vous avais déjà expliqué le fonctionnement de l’école primaire américaine et notamment le fonctionnement des charters school. J’ai vécu trois ans en Californie et on avait l’intention d’inscrire notre enfant à l’école. Je vous avais donc fait part de mes découvertes et constatations. Allez lire l’article, c’est intéressant (oui, je me jette des fleurs). Le Covid en a voulu autrement, mais c’est une autre histoire.

Revenons-en à nos moutons. Slate a donc donné la parole à Barney Bishop III. Il dit que suite aux plaintes des trois parents, la directrice a eu le choix: soit elle démissionnait volontairement, soit le conseil d’administration la virait sans motif. Je n’appelle personnellement pas ça: avoir le choix.

Barney Bishop explique que le problème n’est pas la statue de David lui-même. Il explique que le problème vient du fait que la prof a dit aux enfants: « Ne le dites pas à vos parents. » Et qu’elle a dit en montrant l’image que ça n’avait rien de pornographique. Le fait d’avoir fait usage du mot pornographique dans une classe d’enfants de 11-12 ans est un problème. « C’est inapproprié dans une salle de classe en Floride. »

Trois parents rouspètent et la directrice est poussée vers la sortie

Le président du conseil d’administration estime que 98% des parents n’ont probablement aucun problème avec ce qui a été fait, dit ou montré au cours. Mais donc on pousse une prof vers la sortie pour trois parents qui rouspètent? Oui, parce qu’ils auraient dû être avertis au préalable.

« Après toutes les conneries qui ont été enseignées dans les écoles publiques pendant le COVID, les parents ont décidé qu’il y a des choses qui ne devaient pas être enseignées à leurs enfants. » L’école en question met l’accent sur les « valeurs civiques et morales ». On est en Floride, pro-Trump, pro-armes, anti-avortement, anti-vax, je vous laisse traduire ce que ça peut signifier. 

Le journaliste de Slate s’étonne: depuis quand ce sont les parents qui décident de ce qui est enseigné ou non aux enfants. « Le professeur est l’expert, et c’est le professeur qui donne le programme », selon lui. C’est ce que je crois aussi, moi.

“Ici, ce sont les parents qui décident, pas les profs”

Barney Bishop répond: « Nous sommes en Floride, ok? Les parents décident. Ce sont eux qui dirigent le système éducatif en Floride. Les parents ne décident pas de ce qui est enseigné mais ils savent ce qu’est le programme d’études et quand un sujet controversé est enseigné à leur enfant, ils ont le droit de le savoir. (…) Les enseignants sont les experts? Les enseignants savent tout? Vous vous moquez de moi? Je connais beaucoup de bons enseignants mais suggérer qu’ils sont l’autorité, vous prenez des meilleures drogues que moi. »

Le président du conseil d’administration conclut en disant: « On ne montre pas la statue complète de David à des enfants de maternelle. Ni à des enfants de 7-8 ans.” On ne doit d’ailleurs pas montrer toute la statue, selon lui. « Seulement la tête en maternelle. Les mains, les bras, les muscles, le travail magnifique que Michelangelo a fait dans le marbre, mais sans tout montrer. »

La directrice de la Galleria dell’Accademia où se trouve la sculpture de David à Florence est évidemment choquée par la polémique. Elle a invité le conseil d’administration de l’école au cœur des débats, les élèves et leurs parents à venir admirer « la pureté » de cette œuvre de la Renaissance au plus près.

La Floride veut interdire les conversations au sujet des règles à l’école (oui, même entre les petites filles)

Tant qu’on y est: la Floride veut interdire dans les écoles primaires toutes les conversations (même entre élèves) au sujet des menstruations. Les filles ne pourront pas parler de leurs règles avec leurs copines avant l’âge de 12 ans. Cette décision irait à l’encontre de toutes les recommandations des professionnels de santé qui disent qu’il est important de parler de puberté aux enfants avant qu’ils l’expérimentent.

Les règles arrivent généralement entre 10 et 15 ans. La loi, en cours de vote, dit donc que les fillettes de moins de 12 ans qui ont leurs règles ne pourraient pas en parler dans les couloirs de l’école sous peine de punition.

Le livre d’Elise Gravel interdit

Ces dernières semaines, on apprenait aussi que le livre (parmi d’autres) d’Elise Gravel « Rose, bleu et moi » (je vous en avais parlé dans cette sélection de livres pour les enfants de 6 à 8 ans) a été banni de l’école en Floride. Le livre traite du genre et de la diversité sexuelle.

Bref, The Handmaid’s Tale n’est plus juste une série dystopique. C’est déjà le monde dans lequel vit la Floride.

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