Je vous en avais parlé: j’ai interviewé le psychopédagogue Bruno Humbeeck pour son livre sur l’hyperparentalité. On avait déjà parlé du parent hélicoptère, du parent curling et du parent drone. Il y a également un chapitre sur les types de parents nés des excès de l’éducation positive: le parent zen (lisez l’article: Oui, vous avez le droit de vous mettre en colère), le parent hyper-communicant et le parent super-tolérant. Je lui ai demandé de développer sa pensée.
Vous expliquez que l’éducation positive a fait naître les parents zen, ces parents que rien ne semblent atteindre, qui disent: je suis fâché d’une voix calme, sans s’énerver. Vous dites que ce n’est pas terrible: ni pour le parent ni pour l’enfant. Le parent a donc le droit de se mettre en colère sur son enfant?
Oui, bien sûr. Être zen en toute circonstance, c’est catastrophique pour le parent. Il faut une compression émotionnelle invivable à moyen et long terme. C’est aussi catastrophique pour l’enfant qui est mutilé du message qu’il doit recevoir. Il ne comprend pas: il reçoit le message que le parent est énervé mais il ne le voit pas.
Quand vous êtes fâché, ça doit se voir. Il ne faut pas se laisser déborder par ses émotions mais il faut exprimer sa colère. Vous pouvez en être désolé après, – on peut dire: je suis désolé si je t’ai fait peur -, mais pas s’en excuser. Parce que s’excuser, c’est mettre le pouvoir dans les mains de l’enfant. Alors qu’il doit comprendre que les émotions de papa et maman valent ses émotions à lui. Elles sont aussi importantes que les siennes.
Dans l’éducation positive, on trouve aussi le parent hyper-communicant. Je vous cite: “C’est celui qui s’imagine qu’il faut pouvoir tout dire, tout expliquer et tout démontrer. Il se met aussi en position de tout entendre et en mesure d’être continuellement à l’écoute de son enfant.” Ce n’est pas bien non plus de tout expliquer, tout le temps…
En fait, un modèle pédagogique n’est dangereux que dans ses excès. Et le parent hyper-communicant, il est né d’un excès de la pédagogie positive.
En se mettant en permanence à hauteur d’enfants et en s’attachant à considérer avec le même intérêt tout ce que lui dit l’enfant, l’adulte ne lui apprend pas à faire la distinction entre ce qui mérite d’être raconté et ce qui pourrait demeurer sous silence. Aimer son enfant, s’intéresser à lui, ce n’est pas considérer tout ce qu’il dit comme prioritaire, et lui donner le sentiment que dès qu’il se met à parler, le monde doit s’arrêter de tourner pour l’écouter.
On a beaucoup vu d’enfants interrompre leurs parents en télétravail. Vous travaillez à la maison et vous êtes en pleine réunion visio avec un collègue. Votre enfant vous interrompt sans cesse parce qu’il croit que vous êtes à sa disposition permanente. Mais ce n’est pas ça être à l’écoute de son enfant. Être à l’écoute de son enfant, c’est dire: je te réserverai un moment quand j’aurai fini ma conversation.
L’enfant doit apprendre à identifier les moments où ses parents sont disponibles et ceux où ils sont occupés ou préoccupés par autre chose que lui.
Enfin, il y a le parent super-tolérant, celui qui laisse l’enfant tout faire sous prétexte que c’est un enfant. Pour ce parent-là, le mot obéir est quasi une insulte…
Il y a un mantra dans l’éducation positive: éduquer sans punir. Mais l’éducation suppose des punitions et des sanctions adaptées. Un parent qui ne sanctionne jamais ne participe pas à faire en sorte que son enfant comprenne ce qui est nécessaire au fonctionnement de la société. Dans la vie, il y a des règles et des valeurs essentielles à respecter. Par exemple, un parent qui laisse son enfant courir sur le trottoir, parce qu’il refuse d’interdire à son enfant de courir, il met son enfant en danger.
Le parent hyper-tolérant va dire qu’obéir, c’est du moutonnage mais un enfant obéissant, ce n’est pas un enfant sage, c’est un enfant qui fait preuve de sagesse. C’est un enfant qui est capable d’obéir à des règles, pas à des personnes. C’est bien ça qu’il faut dire à l’enfant par rapport à l’école par exemple: l’idée n’est pas qu’il obéisse à monsieur ou madame mais aux règles de l’école que monsieur et madame doivent faire respecter.
Le parent hyper-tolérant doit se dire qu’être tolérant ne veut pas dire tout accepter, que l’enfant a besoin de règles. Ce sont les interdits clairement exprimés et les limites fermement posées qui permettent, à l’intérieur du cadre, de se sentir libre.
Je conclus cette interview en précisant que Bruno Humbeeck ne s’élève pas contre l’éducation positive mais contre ses excès, qui naissent souvent d’une mauvaise interprétation de la chose. Il ne dit pas que l’éducation positive est un danger pour l’enfant ou pour ses parents mais qu’elle doit être dosée. Élever avec bienveillance ne veut pas dire que l’enfant peut tout dire, tout se permettre. Je partage son opinion à son sujet. Je crois que vous l’aurez compris dans mon article enfant unique-enfant roi: pourquoi c’est faux.
Bruno Humbeeck est connu pour ses prises de position affirmées. Je vous laisse relire l’article Le merchandising Montessori et l’arnaque Céline Alvarez: la vérité sur ces pédagogies que vous croyez connaître. C’est sûr, ça ne plaît pas à tout le monde, mais je vous propose ces articles dans le but de vous faire réfléchir, de bousculer ou de réaffirmer vos propres croyances. J’espère que c’est le cas et que vous trouvez ça aussi intéressant que moi.
Acheter le livre Hyper-parentalité: Apprendre à lâcher prise pour le bien des parents et des enfants.
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