Vous connaissiez Véro qui rit (et qui fait rire), voici désormais Véro qui pleure (et qui… vous avez compris l’idée). Véronique Gallo vient de sortir le livre “Pour quand tu seras grande”, un roman touchant et qui sonne vrai, dans lequel elle raconte l’histoire de Marie, mère de famille dépassée qui sombre quand son père met fin à ses jours.
Comment fait-on pour craquer quand on est d’habitude celle sur qui on compte, celle qui console et qui rassure?
Depuis que son père, son héros, est parti, le quotidien est trop lourd, les enfants trop bruyants, le mari trop à côté de la plaque et Marie trop seule.
Cette histoire surprendra ceux et celles qui n’ont pas gratté au-delà des capsules Vie de mère, hilarantes et déculpabilisantes, de Véronique Gallo, mais pas les autres, qui savent qu’elle est multi-casquettes depuis longtemps et qu’elle a déjà sorti un livre. “Pour quand tu seras grande” est déjà son deuxième roman.
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L’histoire de Marie n’est pas la sienne mais il y a de grosses similitudes quand même. Dans le livre, Marie est prof, un job que Véronique Gallo connaît bien pour l’avoir exercé pendant des années.
Et elles ont toutes les deux perdu leur père dans des circonstances difficiles. “Je me base sur des émotions que j’ai ressenties après le décès de mon père. Il ne s’est pas suicidé et je n’avais qu’un enfant à l’époque, mais j’ai failli basculer dans le burn out parental.”
“On n’en parlait pas à l’époque. Mais la crise d’angoisse que je décris dans le roman… Marie qui est à l’arrêt au bord de la route et qui est incapable de rentrer chez elle, j’ai connu ça.”
Ce burn out parental, cette explosion chez Marie, elle survient quand son père meurt tragiquement mais Marie était déjà sur le fil depuis un moment. Elle gère le quotidien familial et elle n’en peut plus. Tu écris: “C’est souvent plus simple de faire les choses soi-même que de demander et du coup, on s’épuise.” Tu as réussi à y échapper, toi, à cette fameuse charge mentale?
Je livre mes pistes mais je ne sais pas ce qu’il faut faire. Je ne me positionne pas comme quelqu’un qui a réussi à tous les niveaux. Parfois, je me dis que j’ai loupé le coche en termes de charge mentale, que j’ai commis une erreur il y a longtemps et que je peux, peut-être, la récupérer. J’espère que les nouvelles générations construiront les choses autrement, qu’ils auront un autre type de modèle.
On a assez peu d’empathie pour son mari au départ. On se dit, comme Marie, qu’il ne comprend rien à sa douleur. Et puis un jour, il la secoue, lui pose un ultimatum et lui dit: “Être une bonne mère, c’est quand tu auras le courage de faire quelque chose qui t’anime.” C’est lui qui a finalement tout compris?
Au début, Antoine, le mari, on se dit: quel con. Mais en fait non, il fait du mieux qu’il peut. Il a compris beaucoup de choses avant elle mais il ne peut pas l’aider tant qu’elle n’est pas prête. C’est intéressant à explorer au niveau du couple. Antoine lui met un ultimatum. C’est un électrochoc. Elle n’est pas prête à l’entendre à ce moment-là. Tout le monde lui tend la main, tout le monde essaie de la sortir du gouffre mais on ne peut pas aider quelqu’un qui ne veut pas être aidé.
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Tu parles beaucoup dans ce livre de l’enfant qu’on était et qui reste au fond de l’adulte qu’on est devenu. On a beau mettre des couches par-dessus, il est toujours là.
On est tous modelé pour essayer d’atteindre nos rêves. Nos rêves peuvent être simples: on peut rêver d’avoir une famille, une maison, d’être en couple… Et tout à coup, on est jeune trentenaire et on se demande: que se passe-t-il quand on a tout ce qu’on voulait? Personne n’a obligé Marie à rien. Elle voulait tout ça, ce panel qui semblait correspondre à ses rêves. Mais elle réalise qu’elle s’est oubliée en chemin. Elle a oublié l’enfant qu’elle était. On est tous confronté à ça. Vient alors le moment des interrogations. Qu’est-ce que je fais de ce qu’on m’a transmis? Est-ce que ce sac à dos doit rester sur mes épaules? Qu’est-ce que j’ai mis en place pour ne pas voir certaines choses?
Ce sont des questions qui sont souvent liés à nos propres parents. “Pour quand tu seras grande”, c’est une histoire de famille au sens large. On se rend compte, une fois devenus adultes, qu’on ne comprend jamais vraiment totalement nos parents.
Marie pense beaucoup à sa mère. Elle n’est pas affectueuse mais ce n’est pas une mauvaise mère. Elle a fait comme elle a pu. Et puis, elle pense à la toute puissance de son père. Elle est responsable de ça. Elle n’a jamais gratté derrière ce qu’elle pensait connaître de lui. Quand on devient adulte, on comprend que nos parents sont des hommes et des femmes qui ont des failles. Les parents ne parlent pas de leurs problèmes aux enfants. Ils les protègent.
Mon père à moi ne s’est pas suicidé mais sa mort a été brutale et inopinée. Je savais qu’il avait un problème d’alcool. C’était un alcoolique de société, il présentait bien, il sentait bon mais en fait il était criblé de dettes. Pendant des années, il est venu manger chez moi, il offrait les pizzas alors qu’en fait, il était poursuivi par les huissiers. C’est très violent pour moi: comment se fait-il que je n’ai pas vu? En fait, j’ai compris qu’il n’avait pas voulu me montrer ça. Ça m’a beaucoup interpellée.
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Tu parles également de la vérité qu’on se doit de dire à nos enfants, aussi difficile qu’elle soit…
Quand j’avais 9 ans, le frère de mon père s’est pendu et on ne me l’a pas dit. À l’époque, on me disait qu’il s’était fait renverser par un camion en mobylette. J’ai passé des années à poser des questions, à demander s’il avait un casque… Maintenant que je suis mère à mon tour, je peux atténuer la vérité mais je refuse de la travestir. Je ne veux pas que les enfants restent dans des pourquoi sans fin. J’aurais préféré qu’on m’explique des choses, j’aurais mieux compris la douleur de ma grand-mère, le silence, je n’avais pas les cartes en main.
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