Ce matin-là, il n’a pas demandé le biberon qu’il demandait pourtant depuis qu’il avait l’âge d’être capable de le faire. Il n’en a pas eu besoin. Il n’y a pas pensé.
Je n’ai pas su ce soir-là que c’était la dernière fois que je remontais son mobile en forme de petit nuage et que c’était la dernière fois qu’il s’endormait en écoutant “I just called to say I love you” de Lionel Richie.
Le lendemain, il a repoussé ma main qui s’approchait de la ficelle et a stoppé net ce rituel en trois mots lapidaires: “Je veux pas”. Et aussi simplement que ça, c’était fini.
Je n’ai pas su que c’était la dernière fois qu’il se laisserait habiller sans gesticuler, que la panade serait remplacée la prochaine fois et pour toujours par un fruit entier et qu’il s’agissait du dernier paquet de couches que j’achetais.
Je n’ai rien vu venir. Adolescent, je ne verrai probablement pas venir le dernier trajet jusqu’à la grille. Je ne saurai pas que ça sera la dernière fois que je le déposerai devant la porte de l’école.
Que le lendemain, il osera me dire qu’il préfère y aller seul. Que pour la première fois, je penserai peut-être qu’il a honte de moi.
Les dernières fois arrivent sans prévenir. Elles ne font pas de bruit, elles disparaissent sur la pointe des pieds, dans le silence de la nuit, dans la brume fraîche du petit matin.
Demain est un autre jour, elles savent qu’on sera plein d’une nouvelle énergie pour affronter le manque et la peine qu’elles auront laissés ou bien qu’aspiré par la vie quotidienne, sa routine et ses urgences, on ne remarquera pas tout de suite qu’elles sont parties pour de bon.
On a à peine le temps d’appréhender une situation, de prendre ses marques, de profiter que déjà, la page se tourne.
J’ai à peine eu le temps de m’habituer aux traits de son visage de poupon que j’y découvrais un grain de beauté inconnu ou un air de malice et de provocation que je ne connaissais pas.
Depuis que mon fils est né, j’ai la nostalgie chevillée au corps. Je m’agace parfois qu’il ne veuille pas jouer tout seul mais je sais déjà que je le regretterai les jours où il jouera dans sa chambre, la porte fermée.
Je m’émeus d’un mot qu’il prononce mal ou d’une phrase grammaticalement tordue parce que je sais que bientôt, il ne fera plus de fautes et que j’oublierai ses particularités de langage.
Je le note ici alors, pour la postérité. Ezra ne dit pas: “Tu peux m’aider?” Mais “Tu peux me t’aider?” Je fonds.
Je l’observe, je l’étudie, je l’examine, je me demande à chaque instant ce qu’il ne fera plus demain. Je ne veux rien oublier.
Ezra grandit, encore plus à une vitesse folle depuis sa rentrée à l’école, et je veux tout imprimer, tout retenir, tout ressentir puissance mille dans une vaine tentative de retenir le temps qui file entre nos doigts.
J’ai commencé ce post le cœur un peu serré en pensant à tout ce qui me manquera. Mais je me rends compte que, depuis sa naissance, chaque porte fermée est une autre qui s’ouvre sur un nouvel univers.
Malgré ma nostalgie du bébé qu’il n’est plus, je me réjouis chaque seconde du petit garçon curieux et éveillé qu’il est devenu. Pour une chose qui disparaît, une nouvelle apparaît. Tout aussi adorable, drôle ou enrichissante.
Ezra me pose désormais des questions pertinentes et il attend de moi des réponses qui le sont tout autant. Il m’interpelle, m’interroge, analyse les choses, fait des raisonnements, danse (presque) en rythme, tire son plan, discute, argumente, me caresse le visage en me regardant dans les yeux.
La vitesse à laquelle il évolue me pousse sans cesse à profiter du moment présent avec une intensité jamais ressentie auparavant. Je sais que chaque fois que je clignerai des paupières, la perspective, sa taille, ses besoins auront changé.
Alors que je m’efforce de garder les yeux ouverts, le plus longtemps possible. Et quand je n’y arrive plus, j’accepte que le battement de mes cils fasse grandir mon petit.
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13 comments
Les enfants grandissent à une allure folle et je pense que de profiter au maximum de l’instant présent est peut être la chose la plus difficile à faire mais qu’elle est paradoxalement source d’un grand bonheur… 🙂
Je ressens aussi parfois la même chose lorsque ma fille me dit qu’elle veut des pâtes à la boSOgnaise…. Je trouve cela tellement mignon mais je suis consciente que cela ne durera encore que quelques semaines voire peut-être même seulement quelques jours…
Ton post est magnifique, il m’a mis les larmes aux yeux autant qu’à mon chéri à qui je l’ai fait lire tant je le trouvais beau.
Mon fils n’a pourtant que deux mois et demi, mais je vois déjà tout un tas de choses qu’il faisait et qu’il ne fait plus.
C’est fou comme le temps passe vite.
Je n’ai du coup qu’un seul mot: Profite ??????
Ton article me file des frissons… parce que moi aussi, à chaque instant, je déborde de nostalgie. Et toutes ces dernières fois qui m’attendent…presque autant que de premières fois en fait. C’est la magie de notre rôle de Maman ?.
Très beau texte 🙂 Pour ma part je ne me rends pas compte des dernières fois, elles ne sont pas suffisamment tranchées pour que je les constate.
Tout pareil. Mon fils
a 6,5 ans et je vis comme ça depuis le jour de sa naissance…Le temps file, file…
Et à chaque dernière fois succède une première, l’émerveillement quotidien de la maternité dont je ne me lasse pas!
C’est tellement vrai ce que tu écris… On ne s’en rend pas vraiment compte mais pourtant, chaque jour les choses évoluent! Ici aussi on a le même “tu peux me t’aider?” 😉
Je tombe sur ce post le matin où mes aînés ont décidé de ne plus prendre de biberon le matin XD. Hier c’était la dernière fois. La nouvelle porte qui s’ouvre est celle des vrais petits déjeuners en famille : )
…et il n’y a pas de limites à ton constat, mon aîné aura 58 piges en janvier, et c’est toujours mon ”fiston” :-)))
Waouw???