J’ai toujours eu besoin de remplir mes journées d’activités, de copains, de bruit. Et puis, j’ai eu un enfant et j’ai spontanément ralenti la cadence. Parce que le regarder vivre suffit généralement à me fatiguer… Mais aussi surtout parce que buller n’a jamais été aussi bon. Désormais je prends le temps de contempler les choses, je me mets à sa hauteur et je tends les oreilles à toutes ses réflexions. Son innocence, sa curiosité, son regard vif et nouveau m’émerveillent. Ezra me nourrit constamment et me rappelle que la vie se croque à pleines dents, que la seule chose urgente c’est d’être heureux et que le reste peut attendre. Il n’a aucune notion concrète du bonheur mais sans le savoir, il le cherche partout, tout le temps. Quand le vent lui caresse le visage, il lève les bras pour le sentir avec plus d’intensité, quand il mange un cookie et que le chocolat fond sur ses doigts, il les lèche avec gourmandise. Ces dernières semaines, il multiplie les petites actions et à chaque fois qu’il m’interpelle, je m’émerveille de sa capacité innée de profiter de la vie. Ca rejoint un peu cet article que j’avais écrit en janvier et qui parlait de l’enthousiasme dont les enfants font preuve en permanence. Voici la liste des petits bonheurs d’Ezra que j’ai repérés ces derniers jours et qui me pousse à mieux profiter de la vie et m’inscrire pleinement dans l’instant présent.
Manger un biscuit en haut du toboggan. Si je lui donne un biscuit à la plaine de jeux déserte (dans notre désert californien, la chaleur d’avril est déjà intense et les Américains restent à l’intérieur assommés par la climatisation), il file s’installer en haut des escaliers, juste à côté du toboggan, et il déguste son Petit Beurre en admirant la vue, peinard. Idem quand on lui donne un biberon de lait: il le prend seul dans la pénombre et il attend à chaque fois qu’on ait fermé la porte pour le porter à la bouche. C’est son moment calme, son moment à lui. Il apprécie tellement les petites douceurs qu’il s’installe pour en profiter. Je ne l’ai jamais vu manger un biscuit sans se mettre bien d’abord. Bref, il me rappelle de savourer les plats que j’aime et de prendre le temps de manger au lieu de me nourrir sans réfléchir. Grâce à lui, je ferme les yeux à la première gorgée de bière et je laisse le chocolat fondre sur ma langue. (Lisez d’ailleurs le livre de Philippe Delerm “La première gorgée de bière et autres plaisirs minuscules” pour vous inspirer dans votre quête des petits bonheurs quotidiens.)
Depuis deux semaines, Ezra se faufile dans notre lit au petit matin. Je le sens venir coller son petit corps tout chaud contre le mien, ses cheveux me chatouiller le nez, ses orteils qui se replient contre ma peau. On le reconduit régulièrement dans sa chambre gentiment, mais on le laisse faire un peu trop souvent, parce qu’on sait que ça ne durera pas toute la vie et qu’un jour, c’est nous qui devrons aller le tirer du sommeil et qu’il grognera quand on ouvrira les rideaux. La sieste, il demande à la faire dans notre lit, sûrement parce qu’il est grand, parce qu’il est confortable, parce que les draps ont l’odeur de papa et maman. Je le surprends régulièrement torse nu, les fesses cachés dans ses probables dernières couches (il est propre la journée, on peut peut-être continuer l’apprentissage?). Il est sur le dos, les bras en croix, le doudou qui pue près de la joue, le drap blanc chiffonné sur les genoux. Au-dessus de lui, le ventilateur tourne à vitesse réduite et l’air chaud brassé lui caresse le nombril. Mon fils s’accorde des siestes de vacances dans la vraie vie. Et me pousse à ouvrir la fenêtre plus souvent la nuit pour écouter la brise et les rires des voisins qui résonnent dans les jardins au loin et sentir la fraîcheur de l’air pénétrer dans la pièce.
Ces derniers jours, on a visité des appartements en vue de notre possible (probable?) retour en Californie à la rentrée. On peut louer un appartement ou une maison en quelques jours du côté de Palm Springs. On visite, on aime, on rentre son dossier et on peut avoir les clés dans les deux jours. Mais on voudrait être prêt et déjà avoir éliminé ceux qui ne nous plaisent pas en revenant. En fin de journée, j’ai remarqué qu’Ezra prenait un plaisir fou à jouer avec les derniers rayons du soleil. Il marche sur les sentiers en suivant la ligne au sol qui sépare l’ombre et la lumière. Le soir, chez nous, je m’installe sur notre patio et je le regarde faire des aller-retours en vélo dans le soleil couchant. Il prend de la vitesse de toute la force de ses petits jambes qu’il lève ensuite pour se laisser couler sur le sentier, le nez en l’air comme pour mieux sentir le printemps qui embaume. Alors ça y est: j’arrête de fuir le soleil en évoquant ma peau de Blanche-Neige et de me plaindre de la chaleur. Je prends la lumière en pleine tête et ça me fait du bien au corps (tartiné de SPF50, je précise) et au coeur.
A la plage, il y a toujours un moment où Ezra se couche à plat ventre dans le sable. Il étend ses bras et ses jambes et il fait l’étoile de mer en rigolant. Il sait à quel point c’est bon d’être là, d’entendre la fureur de l’océan, de regarder les mouettes s’organiser pour piquer ses miettes. Il en profite à bras le corps et tant pis si ça gratte, que c’est un peu trop chaud, que ça ne se fait pas. Je ne dis pas que depuis, je fais l’étoile de mer mais je mets mes pieds dans l’eau glacée du Pacifique en me disant que bon, quand même, j’ai mes pieds dans le Pacifique, c’est pas rien!
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Après le bain, il ne veut jamais s’habiller. Son corps propre, il le préfère sans habits. Il court, il joue, il saute sur mon lit, nu comme un ver. Il n’a aucune gêne, aucune pudeur, aucune conscience de l’image qu’il renvoie. Il s’en moque, il est bien, il profite. Là encore, je me dis que je ferais bien d’en prendre de la graine et d’accepter mon corps imparfait comme il est au lieu de me concentrer sur ses petits défauts que je suis probablement la seule à voir.
5 comments
Quel bel article ?
C’est tellement vrai, nous avons tant à apprendre de nos enfants !
Ici, nous venons d’accueillir bébé n°2, qui me rappelle que pour les hommes et encore plus les petits hommes, les câlins, le contact peau à peau, les papouilles sont essentielles au bien-être, indispensables même ! Alors moi je ralentis, je cajôle, je pouponne, je materne, je me drogue de câlins… Et ça me fait aussi du bien à moi !
Cette capacité à prendre le moindre petit bonheur avec une intensité immense est merveilleuse à observer, et un si bel enseignement qu’ils nous apportent. Ces étincelles de vie, il nous faut arriver à les voir nous aussi…ça fait tellement de bien…
Ton article me fait remonter des effluves de crème bébé. ca donne envie de faire des calins et de croquer des bras potelés !
Plein de bonheur avec Ezra !
Je n’avais jamais autant appris sur bonheur avant d’être maman. Les enfants s’enthousiasment de choses auxquelles on ne fait pas attention, de choses qui nous paraissent dérisoires. Je pense que je revis en partie ma propre enfance depuis que je suis mère et j’aimerais tellement que mon fils garde un peu ou beaucoup de tout ce qu’il est, en grandissant 🙂
Je pense que l’on fait des enfants pour ça, avant tout. Pour revivre, vivre et poursuivre toutes ces étincelles d’humanité impudiques, spontanées, désordonnées, joyeuses, disproportionnées, qui nous relient au-delà de toutes les différences.