On est parti sans lui et il s’en moque: le paradoxe de l’autonomie

by seayouson

On met un enfant au monde en sachant qu’il ne nous appartient pas. Mais quand celui qui avait tant besoin de nous se met tout à coup à se battre farouchement pour son indépendance, c’est surprenant… et parfois un peu douloureux (pour ses parents).

On a quitté Ezra samedi soir pour quelques jours en amoureux. C’est qu’il est parfois bon de se ressourcer (et de dormir). Je l’ai déposé chez ma soeur pour une nuit. Il irait ensuite chez ses grands-parents. Je ne pars jamais sans prévenir. Je lui ai donc dit que je partais plusieurs dodos. Dans ma tête, j’en fais souvent toute une histoire. J’ai peur de lui manquer terriblement, qu’il pleure au moment d’aller dormir, qu’il nous réclame toute la journée, qu’il se jette par terre pour s’accrocher à mes chevilles au moment de la séparation… Mais je pars du principe que même si petit, Ezra doit comprendre que quand je m’en vais, je reviens toujours. Je veux qu’il accepte le manque et l’attente et qu’il sache que les retrouvailles sont au bout du chemin.

Visiblement, j’ai très bien réussi mon coup: s’il peut pleurer quand j’ai le malheur d’aller acheter des croissants sans lui à la boulangerie du coin, il ne moufte pas quand je le quitte pour plusieurs jours. J’ai à peine droit à un câlin ou un bisou, son attention étant déjà totalement portée sur la personne qui a accepté de s’occuper de lui, le temps de mon absence. Une fois partie samedi, je l’ai observé depuis la rue. Il n’est pas venu se coller à la fenêtre, il n’a même pas tenté de nous apercevoir, il rigolait déjà avec sa tante. C’est à la fois génial et à la fois d’une ingratitude monstrueuse. Je le quitte toujours le coeur un peu lourd, la culpabilité chevillée au corps, mais son attitude me laisse à penser que ces bulles d’air lui font du bien. Peut-être même autant de bien qu’à moi… Mon enfant grandit. Et il se sent assez aimé que pour me lâcher la main et avancer sans moi. Il sait, je suppose, qu’il peut oser, qu’on a toujours le regard posé dans son dos et qu’on réagira en cas de pépin. Il s’émancipe.

A 2 ans et demi, mon fils est de plus en plus autonome. Lui qui pendant longtemps voulait qu’on lui donne à manger, un peu par fainéantise, veut désormais « manzer tout seul ». Il verse l’eau de la bouteille dans son verre sans renverser. Il n’a plus besoin qu’on le tienne quand il est assis sur le grand pot pour faire pipi. Il trouillait pourtant il y a quelques mois mais aujourd’hui, il m’annonce qu’il n’a « pas peur ». D’ailleurs, il est propre et même en voiture, il demande à ce qu’on s’arrête à temps quand il doit aller aux toilettes. Il n’attend plus que je lui propose de lui lire une histoire, il choisit lui-même un livre dans sa petite bibliothèque et me l’apporte spontanément. Il sait ce qu’il veut et ce qu’il ne veut pas. Il ne veut plus aller dans sa poussette, il veut marcher. Quand je lui dis qu’on quitte la maison, il vient glisser quelques petites voitures dans mon sac. Le matin, il n’appelle plus, il sort de son lit pour nous rejoindre dans le nôtre. Le soir, il négocie pour rester « encore un peu ».

Je suis évidemment ravie et fière de le voir grandir et être aussi à l’aise pour affirmer ses envies et des besoins. D’un côté, je mesure le chemin parcouru, la vitesse à laquelle il a appris tout ça et je suis bluffée. Il a confiance en lui et c’est un peu grâce à nous. De l’autre, je me demande tous les jours où est passé le bébé qui gigotait sur son tapis de jeu, les quatre fers en l’air, et qui réclamait mon corps, ma chaleur et mon souffle dans mon oreille. Je comprends aujourd’hui pourquoi tant de gens décident tout à coup de faire le deuxième à ce moment-ci… Parce que le temps passe trop vite et que nos petits pots de colle ont bien vite besoin d’air, que le cordon on ne le coupe pas délicatement quand on est prête, ce sont eux, petits cannibales, qui l’arrachent avec les dents sans prévenir. On a à peine eu le temps de se faire à l’idée qu’ils marchent que déjà, ils s’enfuient, qu’on oublie leur petit corps mou pour ne se souvenir que de leur dos bien droit, de leur tête haute, de leur regard curieux.

On rentre demain. J’imagine les grandes effusions et son nez dans mon cou… Mais je sais que je rêve. On parie qu’on aura droit à un bisou vite fait avant de reprendre le quotidien, comme si on n’était jamais parti et qu’on ne lui avait jamais manqué?

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4 comments

laquicheauxlardons 26 juin 2018 - 13 01 44 06446

Bravo à ton bébé!
Merci pour cet article très rassurant: nous souhaitons l’an prochain partir en voyage de noces sans notre fils qui aura alors 20 mois et je commence déjà à culpabiliser. Lire une expérience positive me fait beaucoup de bien!
Savoure bien ces quelques jours de repos, les retrouvailles n’en seront que meilleures.

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uncoeurgrandcommetoi (Evinrude) 26 juin 2018 - 14 02 22 06226

Ecoute le mien aussi s’en fout royalement. Il a 14 mois et a toujours été comme ça. Que je le laisse avec son père pendant deux jours, sept jours (jamais fait plus long), que je le laisse à la baby-sitter ou à la crèche… Et quand je le retrouve, il s’en fout pareil. J’essaie de ne pas trop en souffrir et de voir le bon côté des choses — cela veut sûrement dire qu’il a une relation sécurisante avec moi et avec les adultes qui l’entourent, qu’il supporte la perte et les retrouvailles, qu’il sait au fond de lui que certaines choses sont permanentes (non, il ne sait pas que normalement, les parents partent avant leurs enfants, mais ça ce n’est pas quelque chose qu’on dit à un tout petit), comme ses parents, sur lesquels il peut compter.

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Workingmutti 27 juin 2018 - 9 09 18 06186

On a laissé les enfants de 20 mois une semaine avec les grands-parents. Pas d’effusions mais pendant des mois après ils avaient peur qu’on les laisse dès lors qu’on prenaient la voiture sans eux. Parfois la réaction vient à retardement car l’enfant a du mal a gérer ses sentiments.

Mais je ne peux que te souhaiter que tout se passe aussi bien que tu le décris 🙂

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Charlotte - Enfance Joyeuse 27 juin 2018 - 10 10 38 06386

Je pense que c’est plutôt positif pour lui car ça prouve qu’il a intégré la notion de départ et de retour (et donc qu’il est sécurisé), mais je comprends que ça soit très dur à vivre en tant que maman… Essaie de te focaliser sur ton nez dans son cou à ton retour 😉 Je suis sure qu’il sera ravi de te prendre dans ses bras lui aussi 😉 profitez bien de votre escapade en amoureux !!

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