10 mois Ă  l’autre bout du monde en famille: l’heure du bilan

by seayouson

10 mois tout rond. On est arrivĂ© en Californie extĂ©nuĂ©s et sans bagages le 5 juillet. On reprend l’avion pour le vieux continent le 5 mai. 10 mois, c’est pas si long mais ça permet d’avoir le temps d’apprĂ©hender un bout de pays, une rĂ©gion ou dans mon cas, un État amĂ©ricain. Ce retour sur ma terre natale me hante, je suis partagĂ©e entre excitation et tristesse. Il ne sera a priori que temporaire, on devrait revenir au soleil en septembre, mais les lignes du futur sont encore floues. En attendant, je fais le bilan de cette presque annĂ©e passĂ©e sur la CĂŽte Ouest.

Ce qui va me manquer

* Cette lumiĂšre infernale (et par extension, la mĂ©tĂ©o). Le soleil est toujours Ă©blouissant, mĂȘme quand il y a des nuages. Se rĂ©veiller parce qu’un rayon nous chatouille le visage, ça influe sur l’humeur, sur le dĂ©roulĂ© de la journĂ©e, ça change tout. Oui, vivre au soleil a une rĂ©elle incidence sur la qualitĂ© de vie. Je peux dĂ©sormais en tĂ©moigner.

* Notre rythme quotidien. Je travaille Ă  la maison. Mon amoureux, mon mari, son papa, ma moitiĂ©, bref appelons-le Dan, aprĂšs tout ce n’est qu’un prĂ©nom, a gardĂ© Ezra chaque jour que l’annĂ©e a dĂ©roulĂ©. Pas de course effrĂ©nĂ©e dĂšs le rĂ©veil, pas d’embouteillages, pas de retard puisque pas de rendez-vous. On a pris le temps de se lever, de petit-dĂ©jeuner en famille chaque matin, de prendre l’apĂ©ro dĂšs mon ordinateur Ă©teint, de jouer avec notre fils. Un luxe presque impossible Ă  reproduire en Belgique, lĂ  oĂč se trouve « notre vraie vie » et oĂč il y a toujours un truc Ă  faire ou quelqu’un Ă  voir.

* L’immensitĂ© des routes et des paysages. LĂ  oĂč en Belgique je rechigne parfois Ă  tirer une pointe jusqu’Ă  la cĂŽte parce que ça me prend 1h30, en Californie, on n’hĂ©site jamais Ă  faire deux heures de trajet (trois avec les embouteillages) pour aller voir l’ocĂ©an et autant dans l’autre sens pour rentrer Ă  la maison le mĂȘme jour. La nature est encore indomptĂ©e dans plein de coins. L’espace, le sentiment de libertĂ© m’inspirent plein de choses positives. Parmi nos dĂ©couvertes coups de coeur: le lac Tahoe, une merveille d’un bleu limpide au milieu des pins et des montagnes.

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* La sympathie gĂ©nĂ©rale des Californiens. A la caisse, on te demande systĂ©matiquement si tu as trouvĂ© « tout ce qu’il fallait ». Et ce n’est pas de la politesse, c’est une vraie question. Dans la rue, on se dit bonjour. Et mes voisins, alors qu’on ne les connaissait que depuis un mois, ont proposĂ© de nous prĂȘter leur deuxiĂšme voiture. Parce qu’ils ne l’utilisaient pas Ă  ce moment-lĂ . Du jamais vu en Belgique. Il y a quelques annĂ©es, j’avais trouvĂ© ça oppressant. Depuis que j’ai compris que ça faisait partie de la culture californienne, je le vis trĂšs bien et je deviens moi aussi plus prĂ©venante.

* La langue. Certaines expressions que je n’avais jamais utilisĂ©es avant de m’installer ici font dĂ©sormais partie de mon vocabulaire. Je jure en anglais, je nĂ©gocie, je plaisante, je fais encore plein de fautes de grammaire mais dĂ©sormais je m’en fous. J’ai mĂȘme rĂ©ussi Ă  porter plainte au commissariat de Las Vegas contre le bonhomme qui a embouti notre voiture de location le jour de nos trois ans de mariage (ça ne s’invente pas). On est de plus en plus Ă  l’aise en anglais et les traductions qu’on utilisait pour qu’Ezra ne nous comprenne pas au dĂ©but du voyage n’ont plus lieu d’ĂȘtre. Il comprend dĂ©sormais trĂšs bien ce que veulent dire playground, ice cream ou bike. On envisage dĂ©sormais de dĂ©velopper notre langage codĂ© en nĂ©erlandais.

* Une certaine forme d’exotisme. Tout est intriguant, tout est excitant, tout est dĂ©couverte quand on vit dans un pays qui n’est pas le nĂŽtre. On a observĂ© la culture amĂ©ricaine de l’intĂ©rieur, on a parlĂ© du port des armes Ă  feu, de l’Ă©lection de Donald Trump avec des gens concernĂ©s. On a appris que des gens tout Ă  fait Ă©duquĂ©s et sensĂ©s avaient votĂ© pour lui, chose qu’on ne pensait pas possible de notre point de vue europĂ©en. On est (trĂšs) loin d’ĂȘtre d’accord avec tout mais on est curieux de cette autre façon de penser.

* Le dĂ©calage horaire. Quand on se lĂšve, nos proches finissent leur journĂ©e, quand on va se coucher, ils se lĂšvent. Les 9 heures de dĂ©calage permettent gĂ©nĂ©ralement de prendre du recul par rapport Ă  l’actualitĂ© ou Ă  certaines prĂ©occupations quotidiennes. Il faut un peu de temps pour admettre qu’on sera toujours un peu Ă  la bourre sur l’actu du monde ou de nos copains mais trĂšs vite, ça donne un sentiment de lĂ©gĂšretĂ©. Personne ne nous demande de rĂ©gler un problĂšme: le temps qu’on rĂ©ponde, c’est souvent trop tard et les gens ont trouvĂ© une solution.

Ce que je vais ĂȘtre contente de retrouver

* Le pain frais, les nectarines, le fromage qui coule, la mayonnaise sans sucre ajoutĂ©, les chips au pickles, la crĂšme fraĂźche, la viande sans hormones et sans antibiotiques, le Bourgogne AligotĂ©, le jambon, la dĂ©licatesse des assaisonnements, les tagliatelles fraĂźches… Bref, la bouffe. C’est la premiĂšre fois de ma vie que je mange sans plaisir. On se nourrit pour dire d’avoir l’estomac plein. Tout est gras ou hyper sucrĂ© et ce qui ne l’est pas est excessivement cher. Les Californiens ont beau ĂȘtre adeptes des salles de gym, ils mangent vraiment n’importe quoi et c’est toujours le mĂȘme menu: poulet frit, hamburger, pizza. Si on revient Ă  la rentrĂ©e comme c’est normalement prĂ©vu, je ferai mieux: je compte cette fois acheter une machine Ă  pain, embarquer mon matos Ă  pĂątisserie et faire mes pĂątes moi-mĂȘme. Il va falloir se casser la tĂȘte pour trouver des idĂ©es de lunch pour Ezra mais je suis prĂȘte Ă  relever le challenge.

* Les petites boutiques cosy, indĂ©pendantes, qui entretiennent leur volontĂ© de se dĂ©marquer. Les AmĂ©ricains adorent les grandes chaĂźnes de magasin: ça les rassure de retrouver la mĂȘme enseigne en Californie et au Texas. Moi, ça me dĂ©prime un peu Ă  la longue: ça manque de charme et d’authenticitĂ©. Je suis en manque de dĂ©couvertes, de petites marques moins connues et de slow fashion.

* Les additions sans pourboire obligatoire et taxes Ă  ajouter avec des calculs savants pour savoir combien on laisse quand on est dans un bar et qu’on ne mange pas ou quand on prend son plat Ă  emporter.

* L’architecture. La Californie sans le soleil et les palmiers, ça n’a pas grand intĂ©rĂȘt visuel. J’ai envie de revoir des jolies façades historiques, des portes Ă  l’ancienne, du vieux bois, des moulures au plafond, du plancher… La moquette qu’ils mettent partout au sol ne va pas trop me manquer non plus.

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* Une vie sociale: des amis, des copains, des collĂšgues, des bars qui ferment tard, des discussions intĂ©ressantes et enflammĂ©es. Ce fut quelques mois en suspension totale, dans une bulle. On s’est fait quelques copains mais les Ă©changes ne sont pas les mĂȘmes. La langue, la culture empĂȘchent parfois de vraiment se comprendre. Je suis contente de bientĂŽt rire pour rien, pour tout, sans rĂ©flĂ©chir. Et de faire des fĂȘtes pas possibles…

* Dans le mĂȘme ordre d’esprit: le second degrĂ©. Je suis fiĂšre d’ĂȘtre Belge pour ça: on pratique l’ironie avec talent et on n’a pas de problĂšme Ă  rire de nous. Ici, tout est trĂšs premier degrĂ© et certains sujets sont clairement tabous. Et puis l’ouverture d’esprit aussi: les AmĂ©ricains qu’on a rencontrĂ©s ne voyagent que dans leur propre pays, gigantesque. Du coup, ils sont assez centrĂ©s sur eux-mĂȘmes et manquent un peu d’ouverture. America First! La culture de l’autre ne les intĂ©resse que moyennement, ils ne savent pas situer la Belgique sur une carte et les quelques personnes qui savaient le faire me demandaient gĂ©nĂ©ralement si « ça allait » chez nous « avec tous ces terroristes ». Bref, ils n’ont retenu que la rĂ©action de Trump aux attentats bruxellois sans chercher plus loin.

* Mon perfecto en cuir et mes talons hauts. J’ai quittĂ© la Belgique avec 23 kilos de bagages. Le tri fringues fut drastique et le shopping pas aussi frĂ©quent qu’espĂ©rĂ© (#moneymoney). On a appris Ă  se contenter de peu, ce fut agrĂ©able mais je crĂšve d’envie de sentir le poids du cuir sur mes Ă©paules et d’avoir mal aux orteils dans mes Jimmy Choo Ă  paillettes.

* Une conscience Ă©cologique. Les pelouses sont arrosĂ©es jour et nuit sous un soleil de plomb, la climatisation tourne Ă  fond dans les habitations privĂ©es et dans les lieux publics, les serviettes, pailles, assiettes en carton et plastique sont distribuĂ©es sans rĂ©flĂ©chir, les AmĂ©ricains jettent des quantitĂ©s de nourriture affolante quotidiennement. Ils prĂ©voient toujours trop Ă  manger de peur de manquer et finissent par envoyer la moitiĂ© Ă  la poubelle. J’en ai Ă©tĂ© malade. En rĂ©action, on n’a jamais aussi peu gaspiller dans notre famille.

* Quand mon fils courait dans l’herbe pieds nus, il y avait toujours quelqu’un en Californie pour lui que c’Ă©tait mieux qu’il enfile ses chaussures. Alors que non, merci, ça ira… Si son biscuit tombait par terre, qu’il le ramassait pour le porter Ă  sa bouche et que je laissais faire, on me regardait comme si j’Ă©tais complĂštement dingue. Il y a une obsession de l’hygiĂšne ici qui m’horripile. Je crois que l’immunitĂ© ça doit se faire, qu’il n’y a rien de tel que de se rouler dans l’herbe quand on est petit. Je suis contente de revenir Ă  un niveau d’inquiĂ©tude « normal ». Et parce que l’obsession de l’hygiĂšne est surtout une affaire de santĂ©. J’ai vu des Californiens se soigner Ă  base d’antibiotiques (en vente libre) sans une once de recul sur la question. Ils prennent des mĂ©dicaments hyper forts comme des bonbons. Je suis contente aussi de laisser mon fils avoir le nez qui coule sans devoir absolument le soigner.

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9 comments

Maman Lempicka 4 mai 2018 - 6 06 14 05145

Il est top ce bilan, un bel aperçu de tous les aspects d’une nouvelle vie ailleurs. Ce qui me fait le plus rĂȘver c’est le soleil, le moins la bouffe. J’en ai dĂ©jĂ  souffert pour quelques semaines alors plusieurs mois…mais vraiment, quelle superbe expĂ©rience Ă  vivre! Bon retour en Belgique Ă  tous les 3, bon voyage (tu devrais revenir sous le soleil!)

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Bébé est Arrivé ! 4 mai 2018 - 8 08 35 05355

Je ne vais pas te mentir, le pire que j’ai du gĂ©rer en revenant Ă  Paris (en octobre) aprĂšs deux mois passĂ©s Ă  Miami a Ă©tĂ© la chaleur et le soleil. Cela a Ă©tĂ© dur, vraiment dur ; j’ai un peu dĂ©primĂ©. Il faut cependant relativiser car j’Ă©tais seule Ă  l’Ă©poque et qu’aujourd’hui, je verrais certainement la situation diffĂ©remment avec ma fille.

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Lexie 4 mai 2018 - 17 05 55 05555

Bon retour, ou bon voyage, selon la façon dont tu vois les choses. Ça m’a pris du temps pour dĂ©couvrir la nourriture santĂ© et les boutiques locales ici aussi mais j’y suis parvenue. J’enrage toujours un peu quand je vois de jolis initiatives qui n’ont pas encore fleuri ici mais on s’y fait. Quant Ă  l’ironie… Moi ça me dĂ©concerte toujours quand on me prend au pied de la lettre. Mais maintenant mes collĂšgues ou amis le savent et valident qu’ils ont bien compris le sens cachĂ© lol

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MĂ©lina 4 mai 2018 - 19 07 24 05245

j’aime me promener sur votre blog. un bel univers. TrĂšs intĂ©ressant et bien construit. Vous pouvez visiter mon blog rĂ©cent ( lien sur pseudo) Ă  bientĂŽt.

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Le quotidien d'Emmanuelle 5 mai 2018 - 18 06 47 05475

Je trouve ton article intéressant et agréable à lire. Merci pour ce partage ! Je vous souhaite beaucoup de bonheur en famille.

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Madame Bobette 7 mai 2018 - 9 09 44 05445

Un bilan trĂšs intĂ©ressant! Je crois qu’on a du mal de lĂ  oĂč on est Ă  se rendre compte de la diffĂ©rence de culture au quotidien entre nos pays!
Bon retour par chez nous, j’espĂšre que le soleil sera lĂ  pour vous accueillir!

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Caroline 7 mai 2018 - 11 11 14 05145

Joli bilan ! Avec les plus de la Californie mais aussi d’ici. je suis sure qu’il y aura un petite temps d’adaptation mais les plus de tes origines vont vite reprendre le dessus. 😉

Bon retour parmi nous 🙂

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Gerry Carter 1 août 2018 - 15 03 30 08308

J’habite aux Etats Unis depuis 1969 – Californie, Alaska, Oregon, New Jersey et maintenant l’Ohio. Avec les annĂ©es j’appartiens aux deux cultures – bien diffĂ©rentes. J’ai la chance de rentrer en Belgique deux fois par an. Pour moi le plus difficile est la nourriture. Je cuisine chez moi, Ă  la belge!

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seayouson 3 août 2018 - 10 10 01 08018

Idem chez nous! 🙂 C’est le plus difficile vivre…

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